A R R E T n° 85/CIV du 02 novembre 2023

22 décembre 2024

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NYUNGBOYE

COUR SUPREME

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CHAMBRE JUDICIAIRE

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SECTION CIVILE

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DOSSIER n° 77/CIV/2021

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POURVOI n°156/GCAY du 12 août 2020

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A R R E T  n° 85/CIV

du 02 novembre 2023

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AFFAIRE :

NGANKEU Pierre et la Société Civile Immobilière (SCI) NGANKEU

C/

La Société Civile Immobilière (SCI) du Centre

 

RESULTAT :

 

La Cour,

 

(VOIR LE DISPOSITIF)

 

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PRESENTS :

  1. FONKWE Joseph FONGANG, Président de la Chambre Judiciaire, ………….………...…....PRESIDENT ;

Mme ENYEGUE BINDZI Virginie Elise épouse ELOUNDOU,….Président de la Section Commerciale ;

  1. TJALLE II Jacques Frédéric………

………………………..…Conseiller ;

……………………………….Membres

Mme NGO DJANG Edith Gisèle …………………..…..Avocat Général ;

Mme NJINKENG née NTUKEM Bernadette…..……………….Greffier ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                               -  REPUBLIQUE DU CAMEROUN  -

                         -  AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS  -

---- L’an deux mille vingt-trois et le deux du mois de novembre ;

---- La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Section Civile ;

---- En audience publique ordinaire, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

---- ENTRE :

---- NGANKEU Pierre et la Société Civile Immobilière (SCI) NGANKEU,  demandeurs à la cassation, ayant pour conseil Maître DJOCHIKOU Alphonse Avocat à Yaoundé ;

D’UNE  PART

---- Et,

---- La Société Civile Immobilière (SCI) du Centre, défenderesse à la cassation, ayant pour conseils, Maîtres TWENGEMBO et NKOA Elie, Avocats à Yaoundé;

D’AUTRE  PART

---- En présence de Madame NGO DJANG Edith Gisèle, Avocat Général à la Cour Suprême ;

---- Statuant sur le pourvoi formé suivant déclaration

faite le 12 août 2020, au greffe de la Cour d’Appel du Centre par Maître DJOCHIKOU Alphonse, Avocat à Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de NGANKEU Pierre et la Société Civile Immobilière (SCI) NGANKEU, en cassation contre l’arrêt contradictoire n° 265/CIV rendu le 06 mai 2020 par la susdite juridiction, statuant en matière civile, dans la cause opposant ses clients à la Société Civile Immobilière (SCI) du Centre ;

LA COUR ;

---- Après avoir entendu en la lecture de leur rapport TJALLE II Jacques Frédéric, Conseiller à la Cour Suprême, pour Messieurs FONKWE Joseph FONGANG et NYIAWUNG Alexander FOBELLAH, Rapporteurs ;

---- Vu la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée ;

---- Vu le pourvoi formé le 12 août 2020 ;

---- Vu l'arrêt d'admission n° 180/EP rendu le 09 juin 2021 par la formation des Sections Réunies de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême ;

---- Vu le mémoire ampliatif déposé le 06 mai 2021 par Maître DJOCHIKOU Alphonse, Avocat à Yaoundé ;

---- Vu les conclusions de Monsieur Luc NDJODO,  Procureur Général près la Cour Suprême ;

---- Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

---- Sur le moyen de cassation soulevé d’office en vertu de l’article 35 (1) (e) et (2) de la loi                 n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, pris de la violation de la loi, violation de l’article 555 du Code Civil ;

---- Qu’en effet l’article 35 (1) (e) et (2) de la loi  n° 2006/016 du 29 décembre 2006 susvisé dispose :

---- « (1) Les cas d’ouverture à pourvoi sont :

(e) la violation de la loi

(2) Ces moyens peuvent être soulevés d’office par la Cour Suprême »

---- Attendu en effet que l’arrêt attaqué s’est fondé sur les dispositions de l’article 555 du Code Civil pour confirmer, par adoption des motifs, le jugement n° 101/CIV rendu par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi le 24 janvier 2019, lequel a ordonné l’expulsion de NGANKEU Pierre et la Société Civile Immobilière en abrégé SCI NGANKEU de l’immeuble bâti appartenant à la Société Civile Immobilière du Centre en abrégé SCI Centre, objet du titre foncier n° 05/Mfoundi sis à Yaoundé 1er au lieu-dit Centre Commercial, sous astreinte de 500.000 FCFA par jour de retard, à compter de la signification du jugement ;

---- Que l’article 555 du Code Civil dispose : « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d’obliger ce tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui ; il peut même être condamné à des dommages intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de la valeur que le fonds a pu recevoir. Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitutions des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur. »

---- Que l'article 555 du Code civil ci-dessus a été violé en ce qu'il n'est pas applicable aux faits dont les juges d'instance et d'appel ont été saisi ; qu’il a ainsi été appliqué de façon erronée ;

---- Attendu que pour se fonder sur cet article, l'arrêt attaqué déclare à son 14ème rôle que NGANKEU Pierre et la SCI NGANKEU sont devenus des occupants sans droit ni titre de l'immeuble litigieux faute pour le gérant de s'être présenté devant le Notaire pour signer la Convention de copropriété ce qui a justifié leur expulsion ;

---- Attendu qu'il ressort pourtant des pièces versées au dossier et même des arguments de l'arrêt attaqué que la SCI DU CENTRE, représentée par son gérant Sieur Georges KIRIAKIDES et la SCI NGANKEU représentée par son gérant NGANKEU Pierre ont conclu un Protocole d'Accord suivant Acte n° 589 signé le 17 janvier 1979 par les deux parties devant Maître Jean René ELLA, Notaire à Yaoundé ;

---- Que ce Protocole d'Accord stipule qu'en vue de la formation d'une copropriété, la SCI du Centre mettra à la disposition de la SCI NGANKEU son terrain de 2000 m2 sis Avenue AMADOU AHIDJO, pour la construction d'un immeuble dit « GRANDS MAGASINS » ainsi que tous les frais déjà payés pour les remblais, terrassements, études et autres frais concernant le terrain et la future construction ;

---- Qu’à l'article 06 de cette convention, les deux parties se sont mises d'accord sur le partage des étages et espaces de l'immeuble ;

---- Que l'article 07 énonce que dès l'entame des travaux, les parties se présenteront devant le Notaire susnommé pour signer le contrat de copropriété, étant précisé que ce contrat sortira de plein droit tous ses effets dès la fin des travaux ;

---- Que l'article 08 fait obligation à la SCI du Centre de déposer entre les mains du Notaire le Titre Foncier n°5 du département du Mfoundi, volume 1, Folio 6 relatif à l'immeuble non bâti objet du contrat de copropriété ;

---- Qu’enfin, l'article 10 comporte la clause résolutoire en cas de non-respect par l'une des parties de ses engagements. Cet article prévoit en effet qu'au cas où l'une des parties ne respecte pas ses engagements, elle paiera un débit d'un montant de 75 000 000 (soixante-quinze millions) de FCFA à l'autre partie et que si le non-respect des clauses du Protocole d'Accord provient de la SCI du Centre, après le commencement des travaux de construction par la SCI NGANKEU, la promesse de copropriété sortira immédiatement et irrévocablement son entier et plein effet ; Attendu que par Acte n° 827 du 28 mai 1980, signé par devant le même Notaire, les deux parties ont fait un Avenant au Protocole d'Accord susvisé ;

---- Que cet Avenant stipule que la SCI du Centre accorde à la SCI NGANKEU l'autorisation de construire, à ses frais, un troisième étage dont la pleine et entière propriété lui reviendra ;

---- Attendu qu'en application des deux conventions, la SCI NGANKEU a construit sur le terrain concerné un immeuble de trois étages et chaque partie a occupé ses espaces ;

---- Que le 05 février 1981 Sieur Georges KIRIAKIDES, gérant de la SCI du Centre, a saisi la SCI NGANKEU d'une lettre dans laquelle il l'informait de ce qu'une banque de la place lui proposait d'acheter la partie de l'immeuble en copropriété qui lui revenait et lui demandait s'il serait intéressé d'acheter sa partie au prix de l'offre d'un montant de 300 millions de FCFA ou alors de vendre également sa partie dans les conditions qu'il fixerait ;

---- Qu'à la suite de cette lettre, les deux parties ont été sommées par acte de Maître ZEUFACK, Huissier de Justice à Yaoundé, d'avoir à se présenter à l'Etude du Notaire Jean René ELLA le 22 juillet 1981 à 9 heures « en vue de la rédaction définitive et de la signature du règlement de copropriété et de la vente immobilière devant intervenir entre les deux sociétés, suite au protocole d'accord et à l'avenant. » ;

---- Attendu que Sieur NGANKEU Pierre ne s'est pas présenté et le Notaire a dressé un Procès-Verbal de carence dont les effets juridiques n'ont pas été précisés ;

---- Que s'appuyant sur ce Procès-Verbal de carence, la SCI CENTRE a attrait la SCI NGANKEU et NGANKEU Pierre en expulsion devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi suivant assignation du 28 mars 2017, soit 36 ans après ;

---- Attendu qu'en confirmant le jugement du Tribunal de Grande Instance, la Cour d'Appel a ignoré le pacte commissoire compris dans le Protocole d'Accord du 17 janvier 1979 en son article 10 ;

---- Qu'elle n'a non plus tenu compte des articles 1134, 1135, 1183 et 1184 du Code civil qui disposent :

- Art. 1134 : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » ;

- Art. 1135 : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les autres que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. » ;

-Art. 1183 : « La condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé.

Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive. » ;

-Art. 1184. - La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

---- Attendu qu’en se fondant plutôt sur l'article 555 du Code Civil ci-dessus qui traite de la suppression des constructions et ouvrages édifiés par un tiers sans droit sur le terrain d'autrui, pour justifier l'expulsion des demandeurs au pourvoi de surcroit sans se prononcer sur le sort réservé aux constructions, la Cour d'Appel du Centre a mal appliqué la loi et l'arrêt attaqué encourt la cassation ;

---- Que l'article 67 alinéa 2 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême dispose :

« Lorsque la Chambre casse et annule la décision qui lui est déférée, elle évoque et statue si l'affaire est en état d'être jugée au fond.

L'affaire est en état d'être jugée au fond lorsque les faits, souverainement constatés et appréciés par les juges de fond, permettent d'appliquer la règle de droit appropriée. »

---- Attendu que dans le cas de l'espèce, les juges d'appel ont souverainement apprécié les faits. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour Suprême devrait évoquer et statuer pour appliquer aux faits la loi appropriée ;

---- Qu’aussi, il échet de :

- Déclarer le pourvoi de Sieur NGANKEU Pierre et la Société Civile Immobilière NGANKEU (SCI NGANKEU) recevable ;

- Casser et annuler l'arrêt n° 265/CIV rendu le 06 mai 2020 par la Cour d'Appel du Centre, statuant en chambre civile ;

- Evoquant et statuant, débouter la Société Civile Immobilière du Centre (SCI CENTRE) de son action comme non fondée et la condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

---- Sur le moyen soulevé d’office,

---- Casse et annule l’arrêt n° 265/CIV du 06 mai 2020 de la Cour d’Appel du Centre ;

---- Evoquant et statuant,

---- Reçoit l’appel ;

----Infirme le jugement entrepris ;

---- Déboute la SCI du Centre de son action comme non fondée ;

----  Condamne la défenderesse aux dépens ;

---- Ordonne qu’à la diligence du Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour d’Appel du Centre et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour pour mention dans leurs registres respectifs.

---- Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire du deux novembre deux mille vingt-trois, en la salle ordinaire des audiences de la Cour où siégeaient :

---- M. FONKWE Joseph FONGANG, Président de la Chambre Judiciaire…………..…....PRESIDENT ;

---- Mme ENYEGUE BINDZI Virginie Elise épouse ELOUNDOU, ………………………..Président de la Section Commerciale ;

-----M. TJALLE II Jacques Frédéric……Conseiller ;

……………………………..……..……....Membres ;

---- En présence de Madame NGO DJANG Edith Gisèle, Avocat Général, occupant le banc du Ministère Public ;

---- Et avec l’assistance de Maître NJINKENG née NTUKEM Bernadette, Greffier audiencier ;

---- En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Membres et le Greffier ;

                               LE PRESIDENT, LES MEMBRES et LE GREFFIER

 
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