HISTORIQUE
La Cour Suprême, dont le siège est à Yaoundé, est le dépositaire d'une justice érigée en pouvoir judiciaire par la Constitution révisée le 18 janvier 1996. Elle est aussi au sommet de l'ordonnancement juridictionnel du pays, conséquence d'une longue évolution.
En effet, à la suite du traité germano-Douala signé le 12 juillet 1884 à Douala entre les commerçants allemands et les chefs locaux, l’Allemagne prend progressivement possession de ce qui deviendra le protectorat allemand du Kamerun jusqu'a la double occupation du pays en 1916 par les troupes des généraux français A YMERICH et anglais DOBELL.
Cette occupation militaire entraine la partition du pays en deux entités distinctes plus tard connues sous les appellations de CAMEROUN ORIENTAL et CAMEROUN OCCIDENTAL.
Cette partition entraine à son tour l'instauration, de part et d'autre du fleuve Moungo, de deux systèmes judiciaires, l'un de tradition romano-germanique et l'autre d'inspiration anglo-saxonne.
Ces systèmes fonctionnent dans chacune des parties aussi bien sous le mandat de la Société des Nations que sous la tutelle de l'Organisation des Nations Unies confiés à la France et à la Grande-Bretagne.
La réforme du système judiciaire au Cameroun Oriental intervient par l’ordonnance n°59/86 du 17 décembre 1959. Elle précède de quelques jours l'indépendance de ce territoire autonome de l'A.E.F.I () qui sera proclamée le 1 er janvier 1960.
Au sommet de cette nouvelle organisation juridictionnelle se trouve la COUR SUPREME qui se verra enrichir d'une Chambre des Comptes en 1961 (loi n° 61/03 du 4 avril 1961).
La réunification avec le Cameroun Occidental, Territoire autonome dans la fédération nigériane depuis 1954, intervient le 1 er octobre 1961 (suite aux plébiscites des 11 et 12 février 1961) et le Cameroun devient une République Fédérale.
Dans cette nouvelle optique, pour couper le cordon ombilical avec la Court of Appeal of Lagos et parfaire ainsi l'organisation judiciaire de cet Etat fédéré (ex Cameroun Occidental), l'ordonnance fédérale du 16 octobre 1961 a créé la Court of Appeal of Buea - qui faisait office de la Cour Suprême du Cameroun Occidental - .
En plus des deux juridictions supérieures des Etats fédérés que sont la Cour Suprême du Cameroun Oriental et la Court of Appeal of Buea , la COUR FEDERALE DE JUSTICE voit le jour au cours de la même année charnière 1961, suivant la loi n° 61/24 du Ier septembre 1961, portant révision constitutionnelle.
Cette juridiction suprême au plan national est compétente pour connaitre :
1- de l’appréciation de la constitutionnalité et de la légalité des textes ;
2- des conflits de compétence entre les juridictions les plus élevées des Etats fédérés ;
3- de l'interprétation du droit fédéral ;
4- du contentieux administratif ;
5- des conflits entre les Etats fédérés entre eux ou entre la République Fédérale et les Etats fédérés.
L'inconvénient majeur du système fédéral est l'extrême complexité de l'ensemble des institutions fonctionnant dans le pays et le poids financier qui en découle pour l'Etat.
Le 20 mai 1972, après consultation du peuple par voie référendaire, l'Etat fédéral devient un Etat unitaire et prend la dénomination de République Unie du Cameroun.
Toutes les institutions du nouvel Etat unitaire subissent une mutation conforme à sa nouvelle structure et à sa Constitution.
Sur le plan juridictionnel, intervient l'Ordonnance n" 72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire de l'Etat :
1- Les deux juridictions supérieures des Etats fédérés disparaissent en même temps que ceux-ci ;
2- La Cour fédérale de justice a cédé la place à une nouvelle institution, la Cour Suprême dont l'organisation et le fonctionnement sont fixés par l’ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972:
Celle-ci connait désormais, outre les attributions prévues aux articles 7, 10 et 27 de la constitution :
- des recours en cassation admis par la loi contre les décisions rendues en dernier ressort par les tribunaux et les Cours d' Appel ;
- des actes juridictionnels devenus définitifs dans le cas où l'application du droit est en cause ;des demandes de mise en liberté introduites par des personnes détenues, en cas de pourvoi recevable du contentieux administratif examiné en premier ressort par la Chambre Administrative et en dernier ressort par l’Assemblée Plénière.
Cette nouvelle organisation réalise la synthèse des deux systèmes judiciaires, faisant du Cameroun un cas singulier.
Cette synthèse se traduit :
1- Au niveau juridictionnel :
d'une part, par le maintien de la dualité de deux ordres de juridiction hérités du système Français, avec l'existence au sein de la haute juridiction d'une Chambre Administrative compétente pour connaitre du contentieux du même nom;
Et d'autre part, par l'unicité au sommet de l'ordre juridictionnel, principe établi dans le système Anglo-Saxon, avec une haute juridiction appelée à régler l'ensemble du contentieux quel qu'il soit.
2- Au niveau des costumes d'audience :
Par les robes et leurs parements que les magistrats arborent aussi bien à l'audience qu'au cours de certaines cérémonies, qui sont dans la pure tradition française ; tandis que la grande perruque - Ceremonial Full Bottom Wig - et la petite –Judge’s Bench Wig- sortent tout droit des tranditions et coutumes Britaniques.
3- Au niveau de la législation:
Par une uniformisation progressive des lois en matière pénale, sociale et autres.
Il convient de relever que le passage de la République Unie du Cameroun à la République du Cameroun (simple changement de dénomination constitutionnelle) en janvier 1984 n’a pas entrainé de changement au niveau des institutions judiciaires.
La dernière réforme en date est celle introduite par la constitution révisée du 18 janvier 1996 qui instaure en son titre V, un pouvoir judiciaire aux côtés des pouvoirs exécutif et législatif et donne à la Cour Suprême sa configuration actuelle.
Cette dernière réforme qui a généré un ensemble de lois a également entraîné une transformation et une spécialisation des institutions judicaires dans le pays.
A ce titre, ont été créés :
- Le Conseil Constitutionnel (loi n° 96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision constitutionnelle), institution effectivement mise en place le 07 Février 2018 qui connait désormais du contentieux portant sur la constitution, de celui des élections présidentielles, législatives et des consultations référendaires, en lieu et place de la Cour Suprême qui le faisait à titre transitoire.
- La Chambre des Comptes (loi n°2003/006 du 21 Avril 2003 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême).
- Les Tribunaux régionaux des comptes (loi 2006/017 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation, les attributions et le fonctionnement des Tribunaux régissant des comptes) qui ne sont pas encore mis en place et dont les attributions relèvent à titre transitoire de la Chambre des comptes.
- Les Tribunaux Administratifs (loi 2006/022 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs), institués dans chaque chef-lieu de région sont juges de droit commun du contentieux administratif. Ils statuent en premier et en dernier ressort selon les cas.
Les textes susvisés ont entraîné une nouvelle configuration de la Cour Suprême. Elle est régie par la loi n°2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée et complété par celle n°2017/014 du 12 Juillet 2017.
La Cour Suprême comprend trois Chambres :
- La Chambre Judiciaire ;
- La Chambre Administrative ;
- La Chambre des Comptes ;
Elle comprend en outre :
- une Section Spécialisée ;
- une chambre du contrôle de l’instruction ;
- une Commission d’Assistance Judiciaire ;
- une Commission d’Indemnisation des Personnes Victimes d’une détention provisoire ou d’une Garde à vue Abusive.