REQUISITIONS DU PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR SUPREME A L’AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE DE LA HAUTE COUR DU 22 FEVRIER 2019

6 octobre 2024

Télécharger le Document ici

Je vous remercie , Monsieur le Premier Président , de l’honneur qui m’est fait de prendre la parole devant cette auguste assemblée pour les réquisitions du Ministère Public , en cette audience solennelle de rentrée de la Cour Suprême  au titre de l’année 2019 .

Monsieur le Président du Sénat ,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ,

Monsieur le Président du Conseil Economique et Social ,

Le Parquet Général près la Cour Suprême vous souhaite la bienvenue dans cette enceinte .

Il vous sait gré d’avoir bien voulu abandonner pour quelque temps vos importantes et si absorbantes occupations pour honorer cette rencontre de votre présence .

Monsieur le Premier Ministre , Chef du Gouvernement ,

C’est la première fois que la Cour Suprême s’honore de vous  accueillir en cette nouvelle qualité .

Tout en vous félicitant chaleureusement pour la confiance que le Chef de l’Etat a placée en vous , le Parquet Général  vous sait gré  d’avoir bien voulu assister à cette audience solennelle de rentrée .

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel ,

Vous n’êtes pas étranger dans cette salle d’apparat de la Cour Suprême qui a longtemps été la vôtre .

Nous vous remercions d’avoir bien voulu accepter notre invitation .

 

Monsieur le Ministre d’Etat , Ministre de la Justice , Garde des Sceaux ,

 

C’est toujours avec fierté que nous vous accueillons dans cette salle d’apparat de la Cour Suprême qui est en même temps la vôtre .

Nous vous sommes reconnaissants de l’honneur qui nous est ainsi fait .

 

Monsieur le Ministre d’Etat , Ministre du Tourisme et des  Loisirs ,

Monsieur le Ministre d’Etat , Ministre des Enseignements Supérieurs ,

Monsieur le Grand Chancelier des Ordres Nationaux ,

Mesdames et Messieurs les Ministres , Ministres Délégués et Secrétaires d’Etat ,

Excellences , Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs , Hauts Commissaires et Représentants des Organisations Internationales ,

Monsieur le Gouverneur de la Région du Centre ,

Monsieur le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Yaoundé ,

Mesdames et Messieurs les Chefs des Cours d’Appel et du Tribunal Criminel Spécial ,

Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux Administratifs Régionaux ,

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun ,

Madame le Président de la Chambre Nationale des Notaires ,

Monsieur le Président de la Chambre Nationale des Huissiers ,

Mesdames et Messieurs ,

Honorables invités ,

 

Le Parquet Général près la Cour Suprême vous remercie d’avoir accepté de répondre à l’invitation qui vous a été adressée .

 

Cette audience solennelle  a pour fondement l’article 33 de la loi n° 2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée et complétée par la loi n° 2017/014 du 12 Juillet 2017 .

En cette occasion particulière  , vous voudrez bien me permettre d’aborder avec vous certaines considérations sur l’état  de la personne , et particulièrement sur l’état civil et la nationalité , binôme de la citoyenneté .

Dans un ouvrage publié pour la septième fois en 1986 , Messieurs MAZEAUD et CHABAS affirment :

« Déterminer l’état d’une personne , c’est préciser ses contours juridiques , sa situation à l’égard du droit ».( Leçons de droit civil , T1 , 2è vol. , 7è édit. 1986 , n° 462 )

Madame Lucienne TOPOR , Maître de Conférences à l’Université de Paris II qui cite ces éminents professeurs de droit , explique que l’état de la personne  se rapporte à la fois , à la situation juridique du sujet  au plan physique  , au sein de la famille  ,  au plan professionnel et  de fortune , le tout encadré par son statut au regard de la nationalité .

L’état de la personne représente  alors le statut de l’intéressé  , et correspond à une situation de fait particulière qu’il identifie et le situe au sein de sa nation .

L’état de la personne est d’ordre public et présente deux aspects :

D’une part , il concerne cette personne dans son identité même . Dans ce sens , son acte de naissance doit servir à prouver , tout à la fois , l’âge , le sexe , la filiation du sujet concerné . L’acte de mariage est utilisé pour prouver le mariage entre des personnes formellement identifiées ;

D’autre part , l’état de la personne intéresse autant la société que les pouvoirs publics , en tant qu’il y va  de la police civile prise dans le sens de la gestion harmonieuse de la cité et du respect de l’ordre établi . 

Dans un arrêt de la Chambre des Requêtes de 1869 , la Cour de Cassation française avait décidé que le Ministère Public pouvait agir d’office par voie d’action principale dans toutes les circonstances où l’ordre public est directement intéressé .

Ce souci de sauvegarde de l’ordre public a fait l’objet d’une loi du 20 Novembre 1919  , laquelle prescrit au Procureur de la République d’intervenir dans la procédure de rectification des actes d’état civil , et particulièrement ,  lorsque la rectification des actes de naissance est en cause .

Au Cameroun , l’article 99 du Code Civil contient la même prescription et dispose que le Procureur de la République est tenu d’agir d’office quand l’erreur , l’omission porte sur une indication essentielle de l’acte d’état civil ou de la décision qui en tient lieu .

La même attention est exigée de ce magistrat  sur la régularité des mariages .

On sait que la nullité du mariage ou son annulation par l’effet d’une décision de justice peut causer un préjudice incommensurable à la victime de la nullité  et à sa progéniture , notamment au moment de l’application des règles relatives aux régimes matrimoniaux et aux successions .

Dans ce domaine , l’ordonnance n° 81-02 du 29 Juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques, modifié par la loi n° 2011-011 du 06 Mai 2011 contient plusieurs dispositions visant à promouvoir la régularité de l’institution du mariage , perçue comme mode de création de la famille cellule de base de la société et creuset du développement de la personnalité de l’enfant , le citoyen en devenir .

En son article 55 , ce texte prévoit que pour des motifs graves requérant célérité , le Procureur de la République peut accorder une dispense totale ou partielle de la publication du mariage . Cette disposition protège le prétendant au mariage lorsque ses intérêts se trouveraient compromis par l’effet d’une cause qu’il ne peut conjurer .

Dans cette disposition , le législateur camerounais a légèrement modifié l’article 169 du Code Civil qui énonçait :

«  le Procureur de la République dans l’arrondissement duquel sera célébré le mariage peut dispenser , pour des causes graves , de la publication et de tout délai ou de l’affichage de la publication seulement ».

 

Mais dans certaines circonstances , le Procureur de la République est aussi appelé à demander la nullité du mariage du vivant des deux époux et les faire condamner à se séparer .

L’article 190 du Code Civil qui le prévoit vise précisément les mariages contractés en violation de la condition de l’âge au mariage , ou en l’absence de consentement au mariage , ou encore en situation de bigamie .

La même obligation pèse sur le Procureur de la République en cas de mariage célébré entre les ascendants et descendants en ligne directe , qu’il s’agisse des descendants et ascendants légitimes ou naturels , que des alliés dans la même ligne .

La même sanction frappe le mariage contracté en ligne collatérale , c’est-à-dire entre le frère et la sœur légitimes ou naturels ,  et celui célébré entre les alliés au même degré , lorsque l’union qui produisait l’alliance a été dissoute par le divorce , comme encore celui célébré entre l’oncle et la nièce , la tante et le neveu .

 

L’attention du  Procureur de la République est aussi appelée , lorsqu’une personne se trouve en situation d’absence .

L’incertitude qui nait de l’absence d’une personne trouble gravement l’ordre public en ce que dans l’ignorance de son état actuel , ses intérêts sont en péril , de même que ceux  de ses proches  et de ceux qui traitent avec lui .

Lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence , et que depuis quatre ans , ses proches n’ont pas eu de ses nouvelles, ceux-ci ont la possibilité de saisir la justice pour en déclarer l’absence .

Pour organiser la protection de ses intérêts , le législateur s’inspire de trois idées :

Tout d’abord , c’est à la justice prise en sa qualité d’organe de constatation et de sauvegarde des droits des citoyens qu’il incombe de veiller à la protection des intérêts de l’absent . Le tribunal civil a le pouvoir d’ordonner les mesures de protection nécessaires .

Ensuite , même lorsqu’elle dure très longtemps , l’absence n’équivaut jamais au décès de l’absent . Essentiellement sujet d’incertitude , elle ne saurait donner lieu à la certitude du décès . Or , tant que la personne est en vie , elle ne peut être déchue de ses droits qu’à travers des procédures bien encadrées par la loi.

Ainsi , le conjoint ne peut jamais se remarier tant que ces procédures n’ont pas été rigoureusement suivies , parce qu’il n’est jamais certain qu’un décès a dissous son union .

La propriété des biens de l’absent ne peut faire l’objet de transactions , de dissipation ou de transfert sans risque d’atteinte aux droits de la personne si elle est encore vivante . L’on ne saurait hériter des biens d’un vivant .

Cependant , au fur et à mesure que le temps s’écoule ou que les dernières nouvelles reçues du sujet s’éloignent dans le passé , son décès devient de plus en plus probable . Le retrait de son nom de la liste des vivants est alors envisageable avec toutes les conséquences qui s’y rattachent .

Mais ce retrait ne s’accomplit que précautionneusement .

Aux termes de l’article 114 du Code Civil camerounais , le Procureur de la République est spécialement chargé de veiller aux intérêts des personnes présumées absentes .

Par l’effet de cette disposition , le Procureur de la République est nécessairement impliqué dans les procédures de déclaration et de constatation de l’absence . Ce magistrat est obligatoirement entendu au cours de l’examen de toutes les demandes présentées devant les instances de jugement .

Aussitôt que les jugements sont rendus , tant les jugements préparatoires que les jugements de fond constatant l’absence , le Procureur de la République envoie immédiatement au Ministre de la Justice les décisions prononcées , à charge pour cette autorité de les rendre publics .

Cette publicité vise à susciter la réaction éventuelle de l’absent et des personnes intéressées pour leur éviter les conséquences dommageables pouvant résulter des procédures engagées .

 

Le Procureur de la République participe également à la protection des droits des incapables .

La capacité d’exercice est l’aptitude inhérente à toute personne à exercer des droits . L’exercice des droits à son tour suppose une volonté consciente . L’être privé de raison ne peut participer efficacement à la vie juridique .

En son article 489 , le Code Civil prodigue une protection aux personnes frappées d’une cause naturelle d’incapacité d’exercice . Il s’agit particulièrement des personnes atteintes d’un état habituel d’imbécilité , de démence ou de fureur , lequel état a pour effet l’altération de la volonté .

Le Code Civil prévoit deux institutions destinées à faire face à l’altération de la volonté :

D’une part , l’interdiction judiciaire qui a pour effet de mettre sous tutelle , c’est-à-dire dans une situation semblable à celle du mineur incapable , les individus frappés de l’une des causes d’incapacité précitées ;

D’autre part , le conseil judiciaire qui assiste les faibles d’esprit , c’est-à-dire les personnes qui auraient besoin d’une protection mais dont les facultés mentales ne sont pas assez altérées pour justifier le prononcé de l’interdiction judiciaire .

La procédure judiciaire peut être sollicitée même lorsque le sujet concerné présente des intervalles lucides .

L’interdiction est en principe provoquée par l’époux ou par les parents . Mais , la procédure demeure sous le contrôle du Procureur de la République qui , en l’absence d’une initiative des proches , initie l’action judiciaire d’office .

 

Mesdames et Messieurs ,

 

La présence de l’autorité publique auprès des personnes en situation marginale ou de détresse a pour effet de leur garantir la protection nécessaire , mais elle a aussi pour effet de mettre en lumière leur situation au plan juridique , au regard de l’impact considérable que les faits et situations juridiques relatifs à l’état des personnes ont dans les rapports de droit privé .

Il s’agit de répondre en toutes circonstances aux sollicitations pressantes de l’ordre public , en vue de la gestion harmonieuse de la cité .

Pour faire face aux charges inhérentes  à cette gestion  , les pouvoirs publics rassemblent les informations  nécessaires à l’identification des populations et à la fixation des situations individuelles et collectives .

L’état des personnes résulte alors d’actes  juridictionnels ou administratifs et , lorsqu’il faut en produire la preuve  , la  partie intéressée adresse une demande  ou une requête à l’autorité publique aux fins d’obtenir le document correspondant .

Mais , la question de la preuve de l’état des personnes se présente différemment selon qu’il s’agit d’une part ,  de la preuve extra judiciaire ou non contentieuse , laquelle est administrée en dehors de tout procès  et d’autre part , lorsqu’il s’agit de la preuve judiciaire ou contentieuse qui est recherchée devant les instances judiciaires .

 

Je me propose de m’appesantir sur le rôle de la preuve non contentieuse des actes et faits juridiques relatifs à l’état de la personne , et notamment  sur celle résultant de l’état civil, office institué par les pouvoirs publics pour l’attestation de situations juridiques individuelles, mais qui en même temps constitue le moyen du rattachement de la personne à sa nationalité  .

Lorsque la preuve de l’état d’une personne est sollicitée en dehors de tout contentieux , le principe retenu par le législateur est celui de la preuve légale préconstituée .

La règle de la liberté de la preuve qui s’applique devant les tribunaux est écartée dans ce domaine , aussi bien quand l’objet de la preuve consiste en un acte juridique comme le mariage que lorsqu’il est question d’attester un fait juridique comme le lien biologique de filiation  .

Les actes juridiques , les faits juridiques , les situations juridiques qui  constituent l’état des personnes font l’objet d’une règlementation spécifique destinée à traduire , en termes de registres et de documents , l’identité ou le statut de chacun à travers ce qu’il a été convenu d’appeler les actes d’état civil .

On appelle actes d’état civil des actes instrumentaires , c’est-à-dire des écrits (instrumentum ) constatant les principaux faits ou actes juridiques relatifs à l’état d’une personne et qui sont le mode essentiel de preuve de ces faits ou actes .

 

L’institution de l’état civil telle qu’elle existe aujourd’hui trouve son origine en France dans de vieilles pratiques du clergé catholique .

Au Moyen-âge , les curés de paroisse  devaient tenir un livre de comptes pour inscrire les dons et aumônes de leurs paroissiens . Parmi les dons les plus nombreux et les plus importants figuraient ceux qui étaient faits à l’occasion des baptêmes, des mariages et des enterrements .

Au fil du temps , ces dons étaient devenus obligatoires autant que leur  inscription dans les registres . Or , en inscrivant ces dons , indirectement , on inscrivait les naissances , les mariages , les décès  .

Au vu de la somme des informations qu’ils contenaient , les registres  acquirent  un caractère quasi officiel.

L’utilité des registres paroissiaux fut vite reconnue par le pouvoir civil comme par l’autorité ecclésiastique .

L’autorité publique  commença d’abord à en fixer le contenu en obligeant les curés à y faire figurer certaines mentions relatives à la date de l’évènement et aux personnes concernées .

Pendant la  Révolution française  , un décret du 20 Septembre 1792 adopté par l’Assemblée législative  confia aux communes la tenue desdits registres et décida que désormais , ceux-ci seuls feront foi des actes qu’ils constatent .

Les acteurs de la Révolution française avaient pris acte de la valeur probatoire des mentions portées dans ces registres en ce que les renseignements y contenus présentaient une très haute fiabilité .

La tenue des registres avait aussi l’avantage d’unifier le mode de constatation de l’état des personnes .

Les révolutionnaires venaient ainsi d’établir l’institution étatique de l’état civil .

 

L’état civil constitue aujourd’hui une institution étatique destinée à garantir , non seulement l’intérêt de l’Etat lui-même , mais également celui des particuliers .

 

En ce qui concerne l’Etat , l’office de l’état civil est un véritable instrument de police : il  permet aux pouvoirs publics d’individualiser les citoyens et de contrôler les mouvements de la population .

Il présente un intérêt politique , social , économique et financier .

Sur le plan politique , les renseignements fournis par l’état civil peuvent aider l’Administration publique lors de l’établissement des listes électorales , notamment en permettant de vérifier si les personnes qui y sont inscrites sont effectivement nées dans la circonscription , si elles y habitent , si elles sont encore en vie .

 Ces renseignements aident également à connaître l’effectif de la population et sa répartition sur tout le territoire national ou même dans une région .

L’état civil constitue alors l’organe de collecte par excellence des statistiques sociales, car il fournit des informations précises sur la masse des naissances et des décès, facilite le calcul du taux de natalité , de l’âge moyen de la population, de l’espérance de vie des populations .

Sur les plans social , économique et financier , l’état civil est une source de renseignements intéressants pour la planification des actions de l’Etat . Il comporte le fichier  le plus exhaustif  sur lequel les pouvoirs publics  pourraient se baser pour élaborer les politiques publiques .

L’Etat va construire des écoles , des hôpitaux et toutes les autres structures sociales en fonction du nombre d’habitants dans la région considérée , de façon à améliorer sans cesse leurs conditions de vie et obtenir un accroissement qualitatif du potentiel humain .

Cet instrument rapproche plus intimement l’Etat de ses populations et pourrait faciliter la mise en œuvre de sa politique d’intervention sociale .

 

Or , la présence de l’autorité publique auprès des personnes en situation marginale ou de détresse a pour effet , non seulement de protéger l’ordre social , mais encore , de clarifier leur situation au plan juridique  , au regard de l’impact considérable que les faits et actes juridiques relatifs à l’état des personnes ont  dans les rapports de droit privé .

 

Dans les rapports de droit privé , les actes d’état civil constituent pour leurs titulaires un moyen de preuve de leur capacité .

 Par ailleurs , à travers ces écrits , les tiers connaissent les personnes avec qui ils traitent .

Les actes de l’état civil ont donc une fonction de publicité .

Pour renseigner avec certitude sur l’état civil , les actes doivent être publics , c’est-à-dire accessibles à tous . La publicité consiste dans la délivrance des copies intégrales ou des extraits par les soins , sous leur signature et leur sceau, soit de l’officier d’état civil , soit du dépositaire des registres .

En principe , seules la personne que concerne l’acte , ses ascendants et descendants , son conjoint , son tuteur ou représentant légal peuvent se faire délivrer une copie intégrale .

 

Les autres personnes ne peuvent l’obtenir que sur autorisation du Procureur de la République du lieu où l’acte a été reçu ou , en cas de refus , sur ordonnance du juge .

Les actes d’état civil ont également une fonction probatoire .

Par principe , les registres , les copies et les extraits font preuve jusqu’à inscription de faux .

Toutefois , les énonciations contenues dans l’acte d’état civil ne possèdent pas une force probante absolue . Cette force ne s’attache qu’aux affirmations personnelles de l’officier d’état civil , par exemple à la date de la passation de l’acte et à la conformité de l’acte à la déclaration .

 

Par contre , pour les autres énonciations , infiniment plus nombreuses , qui émanent des déclarants et que l’officier s’est contenté de reproduire sans pouvoir en vérifier l’exactitude , par exemple  le jour et l’heure d’une naissance, les noms des père et mère de l’enfant dans l’acte de naissance , les nom et prénoms du défunt dans l’acte de décès , on ne saurait leur attacher une force probante aussi grande .

Il est permis à ceux qui en attaquent la sincérité de faire la preuve contraire dans les termes du droit commun , au besoin , en faisant intervenir des témoins ou en produisant tout document susceptible de démontrer leur caractère contestable.

 

Les pouvoirs publics ont minutieusement organisé la procédure d’établissement et d’obtention des actes d’état civil  ainsi que les mentions que ces actes doivent contenir .

 

S’agissant de ces mentions , il est précisé que les actes d’état civil énoncent la date des faits qu’ils constatent , la date à laquelle ils sont dressés , ainsi que les nom , prénoms , sexe , profession , domicile , ou résidence des personnes qu’ils concernent .

 

Parce que l’état civil a pour but d’attester des statuts individuels , l’officier d’état civil a le devoir d’éviter soigneusement de dresser des actes qui causeraient du tort aux particuliers ou qui dénatureraient les faits qu’ils sont chargés de constater .

Il est notamment interdit d’établir des actes de complaisance qui auraient pour effet d’accorder une fausse identité aux personnes .

 

Il est arrivé que des officiers d’état civil déshonorent leur office en faisant obtenir plusieurs actes de naissance portant des âges différents et même des filiations différentes à des parents , ou même à des inconnus contre rétribution .

D’autres officiers d’état civil ont , malgré la législation  , dressé des actes hors délais , alors que d’autres encore ont pu y porter en toute connaissance de cause , des mentions erronées .

 

Ces comportements portent atteinte au principe de l’unicité de l’identité de la personne , de même qu’à l’individuation qui en est l’une des caractéristiques.

Ils violent les dispositions des instruments internationaux qui recommandent aux Etats de veiller à ce que chaque individu ait une nationalité .

Le législateur camerounais les combat donc de  manière  énergique .

Il réprime les comportements qui vont à l’encontre de la règlementation et dénaturent l’état civil , considéré comme un instrument de police du gouvernement .

 

Assimilant certains de ces comportements aux faits de négligence systématique prévus et réprimés à l’article 151 du Code Pénal, il les sanctionne en conséquence .

 

Ainsi punit-il l’officier d’état civil qui , ayant reçu une déclaration de naissance ou de décès , omet de faire la  transcription légale .

 

Toute altération , tout faux dans les actes d’état civil , toute inscription de ces actes ailleurs que sur les registres à ce destinés , peuvent donner lieu à des dommages et intérêts aux parties lésées , sans préjudice des sanctions prévues par la loi pénale .

 

Cette sévérité tient de ce que l’institution de l’état civil définit la nationalité de l’individu .

Dès la période coloniale , l’Etat a progressivement remplacé la société traditionnelle dans ses rôles sociaux d’identification et d’individuation  des membres de la communauté .

 

Il a voulu dès la naissance , préserver la personnalité juridique du citoyen .

 

Mais l’action de l’Etat  se heurte  à divers obstacles dont certains se cristallisent autour du défi sécuritaire et du  défi unitaire .

 

Il est nécessaire de sécuriser la nationalité camerounaise qui doit demeurer unique pour préserver la personnalité juridique du citoyen . Pour en conserver la trace et en attester l’authenticité , l’enregistrement des actes et faits juridiques relatifs à l’état des personnes est nécessaire .

 

L’enregistrementet le fichage des personnes ont notamment été organisés par l’ordonnance n° 81/02 du 29 Juin 1981  , modifiée et complétée par la loi n° 2011/011 du 06 Mai 2011 .

A cet effet , le législateur a institué un Bureau National de l’Etat Civil , lequel est chargé notamment du contrôle et de la vérification de la tenue régulière des registres d’état civil , en même temps que de la constitution et de la gestion du fichier national de l’état civil .

 

 

Cependant , l’une des principales innovations contenues dans la loi du 06 Mai 2011  a été l’insertion expresse dans les dispositions de l’Ordonnance des indications relatives à la nationalité  , lesquelles venaient s’ajouter aux mentions contenues dans les  actes de l’état civil .

 

L’acte de naissance contient désormais la mention de la nationalité du père et celle de la mère de l’enfant .

Pour l’acte de mariage , la nationalité de chacun des époux doit être indiquée .

 

Pour renseigner correctement et utilement cette mention , le secrétaire  , sous le contrôle de l’officier d’état civil , s’oblige à solliciter de chacun des postulants  un  document spécifiant sa nationalité .

Pour un Camerounais , il s’agit de :

  • La carte nationale d’identité , ou

  • Le passeport .

A défaut de la carte nationale d’identité et du passeport ,le requérant  produit l’acte de naissance ou une attestation d’état civil .

Pour un étranger , il est exigé :

  • La carte de séjour ou le récépissé de la carte de séjour , ou

  • Le passeport .

A défaut de la carte de séjour et du passeport ,l’étranger doit présenter l’acte de naissance étranger .

 

Pour les réfugiés et les demandeurs d’asile , il est exigé :

  • La carte d’identification de refugié , ou

  • Le certificat de demandeur d’asile du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés .

Mesdames et Messieurs  ,

 

La problématique de la    nationalité trouve sa source dans l’ambiguïtéde la situation du sujet face :

D’une part , à son appartenance à une humanité commune et universelle , laquelle est indépendante des Etats , et son rattachement  à un Etat donné ,

Et d’autre part , à la charge qui incombe à tout Etat , de garantir à tout être humain , la protection des droits humains inhérents à sa nature  , en ayant constamment à  l’esprit le souci d’éviter aux personnes de subir des atteintes irréversibles à leurs droits fondamentaux .

 

Il s’agit d’abord , de permettre à une collectivité politique , c’est-à-dire l’Etat , de maîtriser la composition de sa population et l’étendue de sa compétence sur la gestion de la masse de ses sujets .

 

Les Etats post coloniaux comme le Cameroun ont eu à gérer ce genre de situation .

 

Avec l’accession à l’indépendance , le principe de nationalité autorisait un groupe d’hommes à faire le choix initial de son appartenance .

 

Une fois l’Etat créé , ce principe justifiait le rôle essentiel des pouvoirs publics dans la définition des critères de la nationalité , qu’il s’agisse de la nationalité originaire , c’est-à-dire celle qui s’impose à chaque citoyen sans qu’il lui soit nécessaire de prendre une initiative , ou qu’il s’agisse de la nationalité acquise à la suite d’une option explicite de l’individu à travers les critères de la naturalisation .

 

Chaque Etat est libre de définir les critères de l’octroi de sa nationalité à titre originaire ou par naturalisation .

 

D’une manière générale , les Etats  utilisent séparément ou en les combinant , le critère du lien de sang (jus sanguinis ) déterminé par la nationalité des parents , et celui du lieu de naissance ou droit du sol ( jus soli ) lorsque l’on fait abstraction de la nationalité des parents .

 

La naturalisation pour sa part résulte de l’adoption de la nationalité par une personne qui ne remplit ni la condition du lien de sang , ni celle du lieu de naissance . Elle provient le plus souvent soit du mariage de l’individu avec un ressortissant , soit de sa résidence prolongée sur le territoire d’un Etat autre que son Etat d’origine .

 

La nationalité crée à l’égard du national des droits et des devoirs . Elle installe celui qui la revendique dans la citoyenneté , un statut qui distingue son titulaire des autres individus , au regard du phénomène de l’appartenance à la communauté nationale qui en est la conséquence et la soumission subséquente à l’ordre établi par l’autorité publique nationale .

 

Elle soumet le sujet au respect de la légalité républicaine et fait appel au devoir de loyalisme et de fidélité aux institutions de la République .

 

Il s’est agi ensuite de reconnaitre à chaque individu une certaine liberté de choix , pour lui éviter de subir des atteintes irréparables à ses droits fondamentaux .

 

Pour faire face à cette exigence, la nation camerounaise a dû se doter des instruments juridiques nécessaires pour atteindre l’objectif qui sous-tend les efforts entrepris au sein de la communauté internationale en vue de la reconnaissance du droit à la nationalité comme l’un des droits fondamentaux de l’homme .

 

En son article 15 , la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948 a proclamé ce droit en édictant que

«  tout individu a droit à une nationalité . Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité , ni du droit de changer de nationalité ».

 

A son tour , en son article 24 , paragraphe 3 ,  le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques adopté le 16 Décembre 1996 à New-York par l’Assemblée Générale des Nations Unies , lequel comporte les droits et libertés classiques visant à protéger les particuliers contre les ingérences de l’Etat , a reconnu ce droit aux enfants .

 

Le droit à une nationalité en faveur des enfants a été réitéré par la Convention relative aux Droits de l’Enfant adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 Novembre 1989 et entrée envigueur le 02 Septembre 1990 .

 

Le principe de l’autodétermination commande que  la détermination de la nationalité des personnes relève des pouvoirs régaliens de l’Etat qui , sur la question , dispose d’une compétence exclusive .

 

Seul l’Etat a compétence pour attribuer une nationalité et chaque Etat a un tel pouvoir .

 

Comme conséquence de cette règle , il faut conclure que ce que les Etats sont libres de faire , ils sont également libres de le défaire .

Le retrait ou la déchéance de la nationalité sont ainsi de la compétence exclusive de l’Etat .

 

Dans ce sens , l’article 2 de la loi n° 1968-LF-3 du 11 Juin 1968 portant Code de la Nationalité Camerounaise dispose que la nationalité camerounaise s’acquiert ou se perd après la naissance par l’effet de la loi ou par une décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi .

L’exigence des documents justificatifs au moment de l’établissement des actes d’état civil s’explique alors par la nécessité de vérifier la qualité du requérant au regard de la nationalité .

 

En tant qu’office constitutif d’un service public  , l’état civil a pour but d’authentifier dans un acte public des informations sur l’état des personnes physiques, et en particulier , les personnes qui sont les ressortissants de l’Etat concerné .

Il s’agit par ce biais , de recenser ces personnes et en même temps , de construire leur identité , en désignant les éléments qui font de chacune d’entre elles un sujet unique de la République .

 

La souveraineté de l’Etat passe par la connaissance et la maitrise de ses sujets .

La nationalité représente alors le lien juridique qui rattache le sujet àl’Etat .

A sa base , ce lien juridique prend  sa source dans un fait social de rattachement , dans une solidarité effective d’existence , d’intérêts , de sentiments, une solidarité qui se conjugue dans  une réciprocité de droits et de devoirs entre l’Etat et son sujet .

Elle est l’expression palpable de ce que l’individu auquel elle est conférée est , en fait, plus étroitement rattaché à la population de l’Etat qui la lui confère qu’à celle de tout autre Etat .

 

Elle crée une allégeance personnelle de l’individu envers l’Etat national et fonde la compétence de l’Etat , laquelle compétence l’autorise à exercer certains pouvoirs sur ses nationaux où qu’ils se trouvent , en les obligeant , au besoin par la contrainte , à se conformer aux règles édictées pour l’ensemble de la communauté nationale .

 

Le statut personnel reste attaché à la personne , mais les droits des individus appartenant à une même nation sont fixés par la loi qui s’applique à tous , en dépit des particularités qui caractérisent l’état de chaque personne  .

La nationalité ne saurait se marchander .

Elle ne peut être transférée conventionnellement .

Elle ne peut être répudiée que dans les formes prévues par le Code de la Nationalité Camerounaise .

 

En tant qu’élément de rattachement à la patrie , la nationalité doit alors être  protégée , d’où la nécessité de l’enregistrement des faits et actes juridiques , de la  conservation des documents  de l’état civil  et de l’organisation d’un fichier national .

Procéder autrement constitue une violation des prérogatives attachées à la souveraineté de l’Etat  et  une atteinte  grave à l’ordre public national, lesquelles exposent leur auteur aux mesures de coercition  fixées par la loi .

 

Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême ,

 

C’est au bénéfice de ces quelques considérations  que j’ai l’honneur de requérir qu’il vous plaise de bien vouloir  ,

  • Déclarer l’année judiciaire 2018 close ;

  • Déclarer l’année judiciaire 2019 ouverte ;

  • Me donner acte de mes réquisitions ;

  • Dire que du tout , il sera dressé procès verbal pour être classé au rang des minutes du Greffe de la Cour Suprême .

 

 

 

 

  • +237 222 23 06 77

LETTRE D'INFORMATION

Inscrivez vous a notre lettre d'information pour être informé de nos actualités
Saisir votre nom S.V.P.
Saisir une adresse email valide.
Top