REQUISITIONS DU PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR SUPREME A L’AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE DE LA HAUTE COUR DU 22 FEVRIER 2020

6 octobre 2024

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Je vous remercie , Monsieur le Premier Président , de
l'honneur qui m'est fait de prendre la parole pour les réquisitions du Ministère Public , à l'occasion de cette
audience solennelle de rentrée de la Cour Suprême au titre de l'année 2020 .
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,
Le Parquet Général près la Cour Suprême vous souhaite la
bienvenue dans cette enceinte.
" vous sait gré d'avoir bien voulu abandonner pour quelque
temps vos importantes et absorbantes occupations pour
honorer cette rencontre de votre présence .
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
La Cour Suprême s'honore de vous accueillir.
Elle vous est reconnaissante d'avoir bien voulu accepter
d'assister à cette audience solennelle de rentrée.

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,
Vous êtes un habitué de ces lieux; soyez remercié d'avoir
bien voulu accepter d'honorer notre invitation.
Monsieur le Ministre d'Etat, Ministre de la Justice, Gante
des Sceaux,
Les hôtes de ces lieux qui sont les vôtres vous accueillent avec
déférence .
Ils vous renouvellent leur reconnaissance pour l'honneur qui
leur est ainsi fait .
Monsieur le Ministre d'Etat, Ministre du Tourisme et des
Loisirs,
Monsieur le Ministre d'Etat , Ministre des Enseignements
Supérieurs,
Monsieur le Grand Chancelier des Ordres Nationaux,
Mesdames et Messieurs les Ministres, Ministres Délégués
et Secrétaires d'Etat,

Excellences , Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs-,
Hauts Commissaires et Représentants des Organisations
Internationales,
Monsieur le Gouverneur de la Région du Centre,
Monsieur le Délégué du Gouvernement auprès de la
Communauté Urbaine de Yaoundé,
Mesdames et Messieurs les Chefs des Cours d'Appel et du
Tribunal Criminel Spécial,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux
Administratifs Régionaux,
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau du
Cameroun,
Madame le Président de la Chambre Nationale des Notaires,
Monsieur le Président de la Chambre Nationale des
Huissiers,
Mesdames et Messieurs,
Honorables invités,
Le Parquet Général près la Cour Suprême vous remercie
d'avoir accepté de répondre à l'invitation qui vous a été
adressée.

Cette audience solennelle a comme fondement l'article 33 de
la loi n° 2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l'organisation
et le fonctionnement de la Cour Suprême , modifiée et
complétée par la loi n° 2017/014 du 12 Juillet 2017.
En cette occasion unique , vous voudrez bien me permettre
de m'entretenir avec vous sur la protection de la liberté
individuelle par les instances judiciaires du Cameroun.
Pour Montesquieu cité par GUIFFO Jean Philippe, « le pouvoir
est toujours tenté de menacer, de porter atteinte aux
libertés publiques 1. »
Mais, dans la société contemporaine, il est depuis longtemps
acquis que les magistrats contribuent grandement à stabiliser
la balance des pouvoirs, et que par leur action, ils peuvent
renforcer la confiance du public dans l'intégrité de l' Etat en
veillant, avec l'assistance des officiers de police judiciaire, .à
la garantie des droits des citoyens.
Devant les tribunaux, la garantie des droits des justiciables
dépend de l'activité juridictionnelle des magistrats. On peùt
même dire qu'il existe une nécessaire cohabitation entre la
garantie des droits des justiciables et le respect des règles de
fonctionnement de la justice .
1 Cette pensée est attribuée à Montesquieu par GU IFFO Jean-Philippe J dans Les Libertés Publiques au
Cameroun, Edition de l'ESSOAH 2020, P. 447 .

Les magistrats sont supposés rendre justice avec impartiali~é
à toute personne , conformément aux lois, règlements et
coutumes, en assurant par leurs décisions, la protection
maximale des droits de chacune des parties au procès, par la
mise en oeuvre des préceptes d'égalité et d'équité.
Le résultat attendu de leur action consiste en ce qu'à l'issue
du procès, les parties voient leurs droits, tous leurs droits
sauvegardés, les préjudices subis par les victimes réparés, et
les droits de leurs adversaires préservés.
La liberté est un droit fondamental protégé
juridictions étatiques.
par les
Pour Michelet cité par GUIFFO Jean-Philippe, « La liberté- ,
c'est l'homme . Même pour se soumettre , il faut être libre.
Pour se donner, il faut être soi. Celui qui se serait abdiqué
d'avance ne serait plus un homme. Il ne serait qu'une
chose 2».
Fin de citation.
Dans certains pays comme la France, il existe un Contrôleur
général des lieux de privation de liberté chargé , sans
préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités
judiciaires ,de contrôler les conditions de prise en charge et
' Michelet, cité par GU IFFO Jean-Philippe, in Les libertés Publiques au Cameroun, Editions de l'ESSOAH 2020,
P. 5

de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de
s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux.
Dans ces pays, l'on estime que toucher à « la liberté, ce bien
qui fait jouir des autres biens 3 » , emporte nécessairement
des conséquences considérables.
La privation de liberté constitue un frein aux actions engagées
dans des domaines aussi variés que l'économique, le social,
le familial . Elle empêche la participation active .à
l'organisation et la gestion de la vie en société. Elle constitue
une entrave grave à l'ensemble du fonctionnement quotidien
des activités de la personne et cause des préjudices parfoJs
irréparables au plan physique et psychologique.
Le législateur camerounais a intégré ces diverses
préoccupations . Il combat les arrestations et détentions
arbitraires et règlemente la délivrance des mandats de
justice . A la phase de jugement, il module les décisions
portant atteinte à la liberté prononcées par les juridictions
pénales .
MESDAMES ET MESSIEURS 1
Le législateur camerounais a fait sienne la notion d'habeas
corpus , entendue comme la procédure qui sous-tend la
3 Montesquieu, cité par GUIFFO Jean-Philippe, in Libertés Publiques, op. cit. P.5

libération immédiate de la victime d'une arrestation ou d'une
détention arbitraires.
La règle de l'habeas corpus ou de la libération immédiate a
pour fondement que, même détenue, la personne humaine
a des droits.
Cette notion juridique soutient une liberté fondamentale, à
savoir, celle de ne pas être emprisonné sans jugement .
Elle oppose le droit à l'arbitraire qui permettrait d' arrêter
n'importe qui sans raison valable. En raison du principe,
toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est
arrêtée et de quoi elle est accusée.
Le prisonnier doit être relâché s'il est détenu sans ra ison
valable aux yeux de l'autorité judiciaire, laquelle doit être
placée dans une relative indépendance par rapport aux
pouvoirs législatif et exécutif 4 .
On a souvent traduit l' expression latine « Habeas corpus »
par « Sois maître de ton corps» , qu'on interprète comme
l'énoncé d'un droit fondamental à disposer de son corps, u.n
droit compris comme la protection contre les arrestations
arbitraires .
.
Dans le contexte judiciaire , cette traduction n' est pas
cependant exacte , car, l'expression abrégée Habeas co rpus
est tirée de la phrase : « Habeas corpus ad subjiciendum » qui
signifie littéralement:
4 Perspective monde, Habeas corpus ( définition) 1 Pl ll, sur internet .

« Que tu aies le corps pour le soumettre» .
Elle s'adresse au geôlier et non au prisonnier, afin que cell1ici
produise le détenu devant la justice.
Elle se traduirait ainsi qu'il suit:
« Aie le corps - la personne du prisonnier - avec toi en te
présentant devant la Cour, afin que son cas soit examiné . »~
Cette institution a pour objet de garantir la liberté
individuelle des citoyens , en remédiant au danger dès
arrestations et des détentions arbitraires.
Toute personne arrêtée peut faire vérifier la légalité de sqn
emprisonnement par le juge, qui confirme ou infirme le bie~fondé
de l'arrestation , et décide dans le second cas, la
remise en liberté du détenu.6
Il s'agit d'un héritage de l'histoire anglaise.
Dès le Moyen-âge7
, un homme libre en Angleterre ne pouvait
subir un emprisonnement arbitra ire ou vexatoire.
En effet, le 15 Juin 1215 , après une courte guerre civile, le
baronnage anglais a arraché une Grande Charte au Roi Jea.n
Sans Terre8
. Appelée Magna Carta9
, cette charte donne aux
5 WIKIPEDIA, Habeas corpus, https:/Ilr.wikipedia .arg/wiki :Habeascorpus ..
6 Habeas corpus, Habeas corpus ad subj iciendum, Définitions, www.
larausse. Ir /d ictiannaires/lrançais/habeas carpu s/38752 .
7 L'histoire du principe nous est co ntée par WIKIPEDIA, Habeas corpus, sur internet le 05/12/19.
8 JEAN sans Terre ( en anglais John lackland ), né le 24 Décembre 1166 ou 1167 -1216) est roi d'Angleterre
jusqu'à son décès survenu le 18 octobre 1216 .

barons anglais, ainsi qu'aux bourgeois des villes et aux
ecclésiastiques, des garanties contre la puissance royale .
.
Elle pose , entre autre, les bases du droit au juge ,
notamment en son article 39 qui dispose :
« Aucun homme libre ne sera saisi , ni emprisonné o.u
dépossédé de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé ou exécuté,
de quelque manière que ce soit . Nous ne le condamnerons
pas non plus à l'emprisonnement sans jugement légal de ses
pairs, conforme aux lois du pays ».
Les juges royaux qui élaborent progressivement la Common
Law, et le roi lui-même, qui peut juger en dernier ressort ,
offrent un recours contre l'arbitraire féodal.
Le roi et les juges peuvent recourir à un certain nombre
d'ordonnances ( writs ) , dans des formes définies et lim itées,
afin de ne pas empiéter sur les pouvoirs des justicès
seigneuriales.
L'ordonnance d'Habeas corpus ad subj iciendum avait alors
pour but d'enjoindre à celu i qui détient une personne, de la
produire devant la cour de j ustice, afin d'expliquer les motifs
de la détention.
9 Magna Carta, latin pour Grande Charte , désigne plu sieu rs versions d'une charte arrachée une première fo is
par le ba ron nage anglais au ro i Jean sans Terre le 15 Ju in 1215 après une courte guerre civile qui culmine le 17
Mai 1215 par la prise de Londres} internet .


En l'absence de charges réelles , le juge faisait libérer la
personne . Sinon , il pouvait autoriser la libération sous
caution (bail) dans l'attente du procès.
Mais l'interférence des instances locales ou
,
gouvernementales dans l'exercice quotidien de la justice, la
vulnérabilité des magistrats qui, parce qu'ils n'étaient pas
inamovibles, se trouvaient soumis à des influences et à des
pressions diverses, ainsi que le rôle surtout politique du
Chancelier , bien plus ministre que chef judiciaire , le
tempérament autoritaire des monarques , ont rendu
l'application de l'Habeas corpus difficile .
Il a fallu attendre la loi du 27 Mai 1679 sur l'Habeas corpus' ,
pour redonner vigueur à l'institution.
Son intitulé en définit l'objet . Il s'agit d'une loi pour mieux
assurer la liberté du sujet et pour la prévention des
emprisonnements outre-mer .
Elle fixe la procédure à suivre en matière d'habeas corpus, èt
condamne à de fortes amendes, tant le juge qui ne remet pas
une ordonnance d'habeas corpus, que l'officier qui, ayant la
garde d'une personne, n'obéirait pas à l'ordonnance qui lüi
est adressée.
L'habeas corpus impose par conséquent des contraintes a,u
juge . Mais, elle lui assure en même temps la sécurité
nécessaire . Elle a en effet eu pour conséquence le

renforcement de la limitation du pouvOIr exécutif sur ~e
judiciaire, et l'accroissement subséquent de l'indépendance
des juges.
.
Le texte de l'habeas corpus a largement contribué à ôter aux
instances politiques , policières ou administratives tout
pouvoir de juridiction en matière criminelle .10
A l'observation, l'institution « a finalement mieux assuré les
libertés individuelles que toute déclaration solennelle de
principes, toute philosophie de la liberté, trop souvet:lt
proclamées sans que disparaissent les séquelles de traditions
policières ou de raisons d'Etat »11.
Au Cameroun, cette institution est prévue à l'article 18 (2) (b)
de la loi n02006/015 du 29 Décembre 2006 porta!)t
organisation judiciaire, modifiée par la loi n° 2017/014 du 12
Juillet 2017 qui dispose :
« Le Président du Tribunal de Grande Instance ou le magistràt
par lui délégué à cet effet est compétent pour connaitre :
- Des requêtes en habeas corpus ( libération immédiate. )
formées par une personne arrêtée ou détenue , ou en
son nom par toute autre personne , et fondée sur
l'illégalité d'une arrestation ou d'une détention , ou sl;Jr
l'inobservation des formalités prescrites par la loi . »
la Habeas corpus, WIKI PEDIA , sur internet le 05/12/19 .
11 Habeas corpus 1 Encyclopaedia universalis, P.5, sur intern et .

Les articles 584 à 588 du Code de Procédure Pénale indiquent
la procédure en la matière.
En dehors des délais très brefs accordés au magistrat pour ~e
prononcer sur la requête dont il est saisi, ces dispositions
légales déterminent les conditions relatives à l'examen d'une
procédure d'habeas corpus et l'exercice des voies de recour~.
Plusieurs catégories de personnes privées de leur liberté de
façon irrégulière sont susceptibles de bénéficier des
dispositions bienveillantes de la loi, à la condition de déposèr
entre les mains du juge un dossier en règle.
11 s'agit:
- Des personnes illégalement arrêtées ou détenues;
- Des personnes victimes d'une arrestation ou d'une
détention n'ayant pas respecté les formalités prescrites
par la loi;
- Des personnes faisant l'objet d'une mesure de garde à
vue administrative.
A cette énumération, le législateur ajoute les personnes qUI,
ayant bénéficié d'une décision de relaxe ou d'acquittement
prononcée par une juridiction répressive de droit commun ou
d'exception, se trouvent néanmoins privées de leur liberté.
L'autorité publique convoquée en habeas corpus est tenue
d'accompagner la personne détenue devant le magistrat

mandant, munie du titre d'arrestation ou de détention du
requérant.
En cas de non-comparution de la personne détenue , le
Président du Tribunal apprécie les raisons de cette absence èt
instruit l'affaire sur la base des documents produits.
Si l'arrestation ou la détention apparaît illégale, il ordonne la
libération immédiate de la personne détenue .
L'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance
est exécutoire dès son prononcé.
La décision intervenue au fond est susceptible d'appel.
La procédure d'habeas corpus est placée sous le contrôle de
la Cour Suprême, laquelle est chargée de veiller au respec. t
des libertés garanties par la Constitution de la République, et
sur la régularité des décisions prononcées par les juridictions
inférieures .
Mesdames et Messieurs 1
Bien que la privation de liberté avant jugement constitue une
atteinte grave aux droits humains , la commission de
certaines infractions crée cependant une telle émotion dans
l'opinion publique que l'arrestation provisoire de leur auteur

peut contribuer au rétablissement de l'ordre et parfois
même, protéger l'auteur des faits contre les réactions de
vengeance de la victime ou de ses proches.
La nécessité et l'opportunité d'y recourir ont été reconnues
aux instances judiciaires par la communauté internationale .
Sur la question , la législation camerounaise est en tous
points conforme à l'esprit du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques adopté le 16 Décembre 1966 à NevyYork
par l'Assemblée Générale des Nations Unies, lequel est
entré en vigueur le 23 Mars 1976 .
Cet instrument international qui admet le prinCipe de
l'arrestation et de la détention provisoire, en précise les
modalités d'application en son article 9(3) qui dispose :
«tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction
pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou
une autre autorité habilitée par la loi à exercer les fonctiot)s
judiciaires et devra être jugée dans un délai raisonnable ou
libéré. La détention de personnes qui attendent de passer
en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liber~é
peut être subordonnée à des garanties assurant la
représentation de l' intéressé à l'audience, à tous les autres
actes de procédure et , le cas échéant, pour l' exécution d.u
jugement ».

Le législateur camerounais a pris des mesures pour concilier
la nécessité de protéger les libertés individuelles et les droits
de la défense , avec les impératifs de préservation de
l'harmonie et de la cohésion sociales .
La privation de liberté peut par conséquent être ordonnêe
dans les cas prévus par la loi, à la condition qu'elle respecte
les formes que celle-ci a prescrites.
Qu'il s'agisse du magistrat du siège ou de celui du parquet,
tous sont concernés par ces dispositions, investis qu'ils sont,
du pouvoir de délivrer des mandats de justice.
La plupart des mandats de justice sont des écrits par lesquels,
un magistrat ou une juridiction ordonne, soit la comparution
ou la conduite d'un individu devant son auteur , soit la
détention provisoire d'un inculpé, d'un prévenu, d'un accu~é
ou d'un témoin soupçonné de perturber la recherche des
preuves, soit l'incarcération d'un condamné.
Leur effet consiste très souvent ,à faire arrêter, et à priver
de liberté les personnes visées.
Les officiers de police judiciaire et les autorités
administratives et de maintien de l'ordre prennent aussi des
mesures de privation de liberté, en ordonnant des gardes .à
vue, soit judiciaires, soit administratives.

Mais , toutes les mesures de privation de liberté sont
rigoureusement organisées par la loi . Elles convoquent la
problématique de leur régularité , mais aussi de leûr
opportunité.
Lorsqu'elles doivent être prononcées à titre provisoire ,
l'article 218 (1) du Code de Procédure Pénale fixe le cadre de
leur mise en application par les autorités judiciaires.
Il dispose à cet effet :
« La détention provisoire est une mesure exceptionnelle qui
ne peut être ordonnée qu'en cas de délit ou de crime. Elle a
pour but de préserver l'ordre public , la sécurité des
personnes et des biens ou d'assurer la conservation des
preuves ainsi que la représentation en justice de l'inculpé.
Toutefois, un inculpé justifiant d'un domicile connu ne peut
faire l'objet d'une détention provisoire qu'en cas de crime . »
Ce texte est une application du principe général selon lequel
la liberté est la règle et la détention l'exception .
Il interdit formellement l'usage de la mesure de détention en
matière de simple police.
Il pose des conditions restrictives au recours à ladite mesure
lorsque les faits reprochés au prévenu constituent un dél it .

En matière correctionnelle, le magistrat du parquet ou le
juge d'instruction n'a pas le pouvoir de prononcer la
détention provisoire du prévenu qui justifie d'un domicile
connu.
En tout état de cause, la mesure restrictive de liberté ne
peut être prononcée en matière correctionnelle par le
Procureur de la République et le juge d'instruction que pour
les raisons limitativement énumérées par la loi, et qui visent
à garantir le rendu d'une bonne justice.
Selon l'article 218 précité, ces raisons sont les suivantes:
La nécessaire préservation de l'ordre public,
La garantie de la sécurité des personnes et des biens,
L'assurance de la conservation des preuves,
La représentation en justice de l'inculpé.
Toute autre raison invoquée par le magistrat relèverait de
l'abus.
L'abus est caractérisé lorsque, par son comportement, le
Procureur de la République ou le juge d'instruction viole l'une
quelconque des prescriptions légales relatives à la détentiqn
provisoire, à la mise en liberté sans caution et à la mise en
liberté sous caution contenues aux articles 218 à 235 du Code
de Procédure Pénale.

Le législateur considère également comme un abus , la
violation des prescriptions de l'article 258 portant obligatiQn
de procéder à la libération immédiate du bénéficiaire d'un
non-lieu prononcé par le juge d'instruction, autant que la
violation des prescriptions de l'article 262 du même Code. ,
relatives aux effets de l'ordonnance renvoyant devant la
juridiction de jugement un inculpé détenu ou placé sous
surveillance judiciaire.
Par ailleurs, lors des enquêtes préliminaires, les difficult~s
particulières que l'officier de police judiciaire rencontrera it
dans son action ne sauraient à elles seules, constituer un
motif de privation de liberté .
Lorsqu'i l procède à l'arrestation et la garde à vue, il doit
s'assurer que les conditions prévues par la loi sont remplies .
Le législateur incrimine les actes posés par les officiers de
police judiciaire qui violeraient les dispositions des articles
119 à 126 du Code de Procédure Pénale relatives à la garde.à
vue.
La sanction des abus commis par les magistrats et officiers de
police judiciaire consiste dans la mise en cause de la
responsabilité de l'Etat . Celui-ci peut être condamné à
indemniser les victimes pour les conséquences
dommageables des abus commis par ses préposés.

Une commission chargée de l'indemnisation des personnes
victimes de garde à vue ou de détention provisoire abusives
est logée à la Cour Suprême.
Le rôle de la commission consiste à connaître des requêtès
introduites à l'encontre de l'Etat en réparation des
conséquences dommageables résultant de l'inconduite des
fonctionnaires auxquels la loi a confié le pouvoir d'ordonnèr
la garde à vue et la détention provisoire.
L'attention particulière portée par les pouvoirs publics .à
l'application judicieuse de ces mesures restrictives de liberté
procède de l'obligation pour les fonctionnaires , de faire
bénéficier tout suspect de la présomption d'innocençe
prévue par la loi d'une part, et de veiller à la protection des
droits humains d'autre part .
La commission prononce la condamnation de l' Etat.
Mais la loi autorise l'Etat à engager une action récursoire à
l'encontre de son préposé fautif pour recouvrer les deniers
déboursés de son fa it.
Le recouvrement des sommes dépensées par l'Etat a le
mérite de faire prendre conscience aux agents publics de la
limite de leurs pouvoirs . A l'égard des tiers, ces agents
publics sont débiteurs de l'obligation de prendre des
précautions et de se garder de commettre des actes
attentatoires aux libertés publiques.

Les magistrats du ministère public en poste dans les
tribunaux d'instance et les juges d'instruction sont les
principales autorités judiciaires ciblées par les dispositiol1s
légales susvisées,
Le même sort est réservé aux officiers de police judiciaire qui
violent les dispositions des articles 119 à 126 du Code de
Procédure Pénale précitées ,
Mesdames et Messieurs,
Devant le tribunal, le législateur veille à la protection de la
liberté en prenant des mesures visant à éviter les
condamnations abusives ,
Il édicte à cet effet le principe de légalité et organise le choix
de la peine,
Le principe de légalité est proclamé dans la loi n° 96/06 du 18
Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin
1972, laquelle énonce ce qui suit :
« Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n'ordonn,e
pas;
« Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les
cas et selon les formes déterminées par la loi;

« La loi ne peut avoir d'effet rétroactif. Nul ne peut être jugé
et puni qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement a.u
fait punissable. »
Le principe de légalité a une force toute particulière.
Il est édicté pour servir la liberté des individus, puisque nul
fait, nulle omission ne peuvent être punis s'ils ne tombeAt
pas exactement sous le coup d'une incrimination
préalablement portée par la loi. Il interdit au juge de se
prononcer au nom de principes généraux .
La présomption d'innocence est le corollaire du principe de
légalité. L'article 8(1) du Code de Procédure Pénale énonce .à
son sujet :
« Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction
est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès où toutes les
ga ranties nécessaires à sa défense lui seront assurées ».
Quand bien même la culpabilité du délinquant serait établie,
la peine prononcée par le juge doit prendre en considératiun
les contraintes qui encadrent la sanction de la faute pénale .
Dans le souci de préserver un meilleur équilibre social, la loi a
prévu que l'atteinte blâmable à l'ordre public pouvait revêtir
plusieurs degrés de gravité.

Pour asseoir des normes qui répondent à cette exigence, !e
législateur a qualifié les troubles à l'ordre public avec plus ou
moins de sévérité.
Le traitement qui est réservé à leur auteur par le juge obéit "à
la qualification qui lui est donnée par la loi et conditionne le
quantum de la peine encourue.
Le législateur camerounais insiste ensuite sur le choix
judicieux de la peine.
En son article 93, le Code de Procédure Péna le prescrit
péremptoirement que:
« La peine ou la mesure prononcée dans les limites fixées ou
autorisées par la loi doit toujours être fonction des
circonstances de l'infraction , du danger qu'elle présente
pour l'ordre public, de la personnalité du condamné et de ses
possibilités de reclassement, et des possibilités pratiques
d'exécution ».
Pour évaluer la responsabilité du délinquant, le juge doit p<;lr
conséquent prendre en considération des facteurs tenant à
sa personnalité et à ses possibilités de reclassement.
Il est obligé d'appliquer les mesures atténuantes qùi
adoucissent les rigueurs de la loi pour adapter celle-ci au cas
dont il est saisi .

Lorsque certaines conditions sont réunies, la juridiction de
jugement est tenue de réduire la peine légalement encourue.
Dans certaines autres circonstances , l'auteur des faits
punissables peut être exonéré de toute sanction.
Pour des raisons diverses, le législateur renonce à faire
supporter les conséquences de leurs actes à certains
coupables. Il leur accorde des excuses, soit absolutoires,
soit atténuantes .
Parfois A meme , il trouve des justificatifs à leur
comportement.
.
Les actes répréhensibles ont bien été commis par leur auteur,
mais les circonstances particulières dans lesquelles celui-ci
s'est retrouvé au moment de leur commission l'exonèrent de
la condamnation .
Le législateur estime que dans ces circonstances, la sanction
pénale qui serait infligée à l'auteur des faits, constituerait
une menace plus grave à l'intérêt général ou à l'ordre public
que le trouble causé par l'infraction.
La décision rendue par le juge dans le respect du cadre fixé
par la loi représente alors le support de la morale publique et
de l'Etat de droit.

Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême 1
C'est au bénéfice de ces quelques considérations que j'ai
l'honneur de requérir qu'il vous plaise de bien vouloir,
Déclarer l'année judiciaire 2019 close;
- Déclarer l'année judiciaire 2020 ouverte;
Me donner acte de mes réquisitions;
- Dire que du tout, il sera dressé procès verbal pour être
classé au rang des minutes du Greffe de la Coùr
Suprême.
LE PROCUREUR GENERAL
Luc NDJODO

  • +237 222 23 06 77

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