LOI N° 2003/005 DU 21 AVRIL 2003 FIXANT LES ATTRIBUTIONS, L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE DES COMPTES DE LA COUR SUPREME
L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté,
le Président de la République promulgue la
loi dont la teneur suit :
TITRE I
DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE 1er. – La présente loi fixe les attributions, l’organisation et le
fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême.
ARTICLE 2. – 1) La Chambre des Comptes contrôle et juge les comptes ou les
documents en tenant lieu des comptables publics patents ou de fait :
- de l’Etat et de ses établissements publics ;
- des collectivités territoriales décentralisées et de leurs établissements publics ;
- des entreprises du secteur public et parapublic.
2) Elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort
par les juridictions inférieures des comptes.
3) Elle connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par
la loi.
ARTICLE 3. – La Chambre des Comptes produit annuellement au Président de la
République, au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, un rapport
exposant le résultat général de ses travaux et les observations qu’elle estime devoir
formuler en vue de la réforme et de l’amélioration de la tenue des comptes et de la
discipline des comptables. Ce rapport est publié au Journal Officiel de la République.
ARTICLE 4. – La Chambre des Comptes rend, sur les comptes qu’elle est appelée à
juger, des arrêts qui établissent si les comptes jugés sont quittes, en avance ou en débêt.
ARTICLE 5. – (1) Est comptable public patent au sens de la présente loi, toute
personne régulièrement préposée aux comptes et chargée du maniement des deniers ou
valeurs ou de la comptabilité matières.
(2) Sont comptables publics :
- les comptables du Trésor ;
- les comptables des domaines ;
-les receveurs municipaux, dans la mesure où les recettes municipales
sont gérées par des personnels autres que les comptables du Trésor ;
les comptables matières et tous ceux désignés comme tels par les
dispositions législatives ou réglementaires particulières.
ARTICLE 6. – (1) Est comptable de fait toute personne qui, n’ayant pas la qualité de
comptable ou n’agissant pas en cette qualité, s’ingère dans les opérations de recettes et de
dépenses, de maniement des valeurs, de deniers publics, ceux réglementés ou non
réglementés, ainsi que ceux des établissements publics et des entreprises du secteur public
et parapublic.
(2) Est également comptable de fait, toute personne qui, n’ayant pas la qualité
de comptable matières, s’immisce dans les opérations de recettes, de garde et d’affectation
des matières appartenant à une personne morale de droit public ou de droit privé dans
laquelle l’Etat détient au moins vingt pour cent du capital.
(3) Il en résulte pour le comptable de fait toutes les obligations d’un
comptable patent du point de vue des opérations faites par lui et de sa responsabilité
personnelle et pécuniaire.
TITRE II
DES ATTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES COMPTES
ARTICLE 7. – La Chambre des Comptes contrôle et juge les comptes des comptables
publics, déclare et apure les comptabilités de fait, prononce les condamnations à l’amende
dans les conditions fixées par la présente loi et statue souverainement en cassation sur les
recours formés contre les jugements définitifs des juridictions inférieures des comptes.
ARTICLE 8. – Le contrôle et le jugement de la chambre portent sur :
- les comptes et documents annexes des comptables publics patents des
personnes morales de droit privé dans lesquelles l’Etat est actionnaire unique ou
majoritaire ;
- les comptes des comptables publics patents des personnes morales dans
lesquelles l’Etat et/ou d’autres personnes morales de droit public détiennent séparément ou
ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants ;
- les comptes et documents annexes des comptables publics patents des
personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles l’Etat et d’autres
personnes morales de droit public détiennent ensemble le pouvoir de décision ou la
minorité de blocage ;
- les comptes et documents annexes des comptables publics patents des
personnes morales, quel que soit leur statut juridique, bénéficiant ou percevant des
prélèvements obligatoires tels que ceux de la prévoyance sociale ou de la formation
professionnelle ;
- les comptes et documents annexes des comptables publics patents de toute
personne morale, quel que soit son statut, qui bénéficie d’un concours financier direct ou
indirect de l’Etat ou d’une autre personne morale de droit public ;
- les comptes des personnes physiques exerçant les fonctions officielles ou
ceux des comptables publics patents des personnes morales investies d’une mission
spécifique et recevant à ce titre les fruits de la générosité nationale ou internationale, dans
les conditions fixées par l’acte accordant les concours financiers ci-dessus.
ARTICLE 9. – Outre les attributions visées aux articles 7 et 8 ci-dessus, la Chambre des
Comptes connaît des recours en cassation des jugements définitifs rendus par les
juridictions inférieures des comptes.
ARTICLE 10. – Lorsqu’elle est saisie, la Chambre des Comptes donne son avis sur
toute question au contrôle et au jugement des comptes.
ARTICLE 11. – La liste des personnes morales de droit privé dans lesquelles l’Etat et
d’autres personnes morales de droit public détiennent séparément ou ensemble soit plus de
la moitié du capital, soit une part du capital, soit le pouvoir de décision, est notifiée à la
Chambre des Comptes par le Ministère chargé des finances. Cette liste a valeur
énonciative. Toute modification est immédiatement portée à la connaissance de la
Chambre des Comptes.
ARTICLE 12. – Les comptables publics patents sont tenus de se conformer aux lois et
règlements en vigueur sur la conservation des archives.
TITRE III
DE L’ORGANISATION DE LA CHAMBRE DES COMPTES
CHAPITRE I
DE L’ORGANISATION EN SECTIONS
ARTICLE 13. – (1) La Chambre des Comptes est organisée en sections.
Elle comprend :
- la section de contrôle et de jugement des comptes des comptables de l’Etat ;
- la section de contrôle et de jugement des comptes des comptables des collectivités
territoriales décentralisées et de leurs établissements publics, sous réserve des attributions
dévolues aux juridictions inférieures des comptes ;
- la section de contrôle et de jugement des comptes des comptables des
établissements publics de l’Etat ;
- la section de contrôle et de jugement des comptes des entreprises du secteur public
et parapublic ;
- la section des pourvois.
(2) Toute autre section peut être créée, en tant que de besoin, par décret du
Président de la République.
CHAPITRE II
DE LA COMPOSITION DE LA CHAMBRE DES COMPTES
ARTICLE 14. – La Chambre des Comptes est composée d’un siège, d’un ministère
public et d’un greffe.
ARTICLE 15. – Le siège de la Chambre des Comptes comprend :
- le Président de la Chambre ;
- les présidents de Section ;
- les Conseillers ;
- les Conseillers Maîtres ;
- les Conseillers Référendaires ;
- les Auditeurs et les Auditeurs stagiaires.
ARTICLE 16. – Le Greffe de la Chambre des Comptes comprend :
- le Greffier en chef de la Chambre des Comptes ;
- les Greffiers de Section
- les Greffiers.
ARTICLE 17. – Les fonctions de ministère public sont exercées par le Procureur
Général près de la Cour Suprême.
ARTICLE 18. – (1) Les magistrats du siège de la Chambre des Comptes sont nommés
par décret du Président de la République de la République après avis du Conseil Supérieur
de la Magistrature.
(2) Les magistrats du Ministère Public de la Chambre des comptes sont
nommés par décret du Président de la République.
(3) Le Greffier en chef de la Chambre des Comptes est nommé par décret
du Président de la République.
ARTICLE 19. – La Chambre des Comptes peut utiliser des fonctionnaires de catégories
A et les contractuels d’administration de dixième catégorie au moins, qui lui sont affectés.
ARTICLE 20. – (1) Elle peut également recourir au service temporaire d’experts ou
consultants privés intervenant sous son autorité, dans des conditions réglementaires ou
contractuelles.
(2) Les experts et consultants sont astreints au secret professionnel.
CHAPITRE III
DES FORMATIONS AU SEIN DE LA CHAMBRE DES COMPTES
ARTICLE 21. – (1) La Chambre des Comptes se réunit dans le cadre de ses sections :
- en audience ordinaire ;
- en sections réunies ;
- en chambre de conseil.
(2) Le Président de la Chambre des Comptes détermine par ordonnance, les
matières dont connaissent les différentes formations.
ARTICLE 22. – (1) En cas d’absence ou d’empêchement du Président de la Chambre
des Comptes, il est remplacé par le Président de section le plus ancien dans le grade le plus
élevé.
(2) En cas d’absence ou d’empêchement du Président de Section, il est
remplacé par le Conseiller Maître le plus ancien dans le grade le plus élevé.
ARTICLE 23. – (1) En audience ordinaire, la Section se compose
- du Président de Section ;
- de deux Conseillers Maîtres ;
- du Procureur Général près la Cour Suprême
(2) En cas d’absence ou d’empêchement du Président de Section, il est
remplacé par le Conseiller le plus ancien dans le grade le plus élevé.
ARTICLE 24. – La formation des sections réunies se compose du Président de la
Chambre des Comptes, des Présidents de Section et des Conseillers Maîtres. Elle
comprend également le Procureur Général près la Cour Suprême.
ARTICLE 25. – La Chambre de conseil se compose du Président de la Chambre des
Comptes, des Présidents de Section et des Conseillers Maîtres. Elle comprend également
le Procureur Général près la Cour Suprême.
TITRE IV
DU FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE DES COMPTES
CHAPITRE I
DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT DES COMPTES DES COMPTABLES
PATENTS
ARTICLE 26. – (1) Sans préjudice de certaines spécificités, la procédure devant la
Chambre des Comptes obéit aux dispositions de la loi fixant l’organisation de la Cour
Suprême. Elle est écrite.
(2) Les Comptes des comptables publics patents, mis en forme et examinés
conformément aux textes en vigueur, sont présentés en vue du jugement à la Chambre des
Comptes dans les trois (03) mois suivant la clôture de l’exercice budgétaire.
(3) Ils sont déposés contre récépissé ou adressés par lettre recommandée
avec accusé de réception au greffe de la Chambre des Comptes, puis enregistrés et datés à
leur arrivée.
(4) Ils sont transmis au greffe de la Chambre des Comptes par le Ministre
chargé des Finances ou par toute autre autorité habilitée.
ARTICLE 27. – (1) L’instruction de chaque compte est confiée par le Président de
Section concernée à un Magistrat rapporteur.
(2) Le magistrat rapporteur examine les comptes et s’assure de l’existence et
de la valeur probante des pièces justificatives prévues par la réglementation en vigueur.
(3) Le magistrat rapporteur demande aux comptables toute information
complémentaire.
(4) Au terme de son instruction et pour chaque exercice budgétaire, le
magistrat rapporteur rédige un rapport motivé sur les comptes qui lui ont été confiés.
(5) Le rapport contient des observations de deux natures :
a) les premières concernent la ligne de comptes ;
b) les secondes résultent de la comparaison de la nature et du volume des dépenses
et des recettes, avec les autorisations qui figurent dans les comptes administratifs et les
budgets d’une part, et la vérification de la conformité des opérations comptables aux lois
et règlements en vigueur d’autre part.
(6) Les vérifications sont effectuées par examen des comptes et des pièces
justificatives. Elles comportent, en tant que de besoin, toute demande de renseignements,
enquêtes sur place ou expertises.
ARTICLE 28. – (1) après examen des comptes, le magistrat rapporteur transmet son
rapport au Président de la Section, lequel peut le transmettre à un autre magistrat qui
vérifie le bien-fondé des observations, en qualité de contre rapporteur.
(2) La suite donnée à chaque observation fait l’objet d’une proposition
motivée.
(3) Le rapport et le rapport complémentaire ou contre-rapport sont transmis
au Ministère public pour la présentation de ses conclusions.
ARTICLE 29. – (1) La Chambre des Comptes, siégeant en formation de jugement,
statue par arrêté de compte après examen des observations présentées par le rapporteur et
au vu des conclusions du ministère public.
(2) L’arrêté de compte est définitif et certifie la lignée de compte s’il n’y a
pas d’observation.
(3) Dans le cas contraire, l’arrêté de compte est provisoire et comprend
deux parties :
a) la première partie est relative à la ligne de compte ;
b) la deuxième partie enjoint les comptables d’apporter les pièces
justificatives manquantes, de procéder aux diligences nécessaires et
fournir toutes explications utiles.
ARTICLE 30. – (1) L’arrêté provisoire de compte est signifié aux comptables dont ils
émanent et aux ministres dont ils relèvent par les voies de droit.
(2) Les comptables disposent d’un délai de deux mois à compter de la date
de notification de l’arrêté provisoire pour satisfaire aux injonctions qui leurs sont adressées
sous peine des sanctions prévues par la présente loi.
ARTICLE 31. – En cas de mutation du comptable, le comptable en exercice est tenu de
donner suite aux injonctions adressées à son prédécesseur. IL communique à ce dernier
une copie de l’arrêté ainsi que ses réponses qu’il transmet à la Chambre des Comptes après
acquiescement du comptable muté.
ARTICLE 32. – Lorsque l’apurement des comptabilités présente des difficultés
particulières, le Ministre chargé des finances peut commettre d’office un autre comptable.
Celui-ci donne suite aux injonctions, en lieu et place du comptable défaillant.
ARTICLE 33. – (1) Après examen des réponses des comptables et des conclusions
complémentaires du rapporteur, la Chambre des Comptes, siégeant en formation de
jugement, statue par arrêté définitif de compte. L’arrêté de compte comporte deux parties :
a) la première partie certifie la ligne de compte, éventuellement assortie de
redressements ;
b) la deuxième partie prononce soit la régularité du compte, soit une avance
comptable, soit un défaut comptable et distingue éventuellement les périodes
respectives d’enregistrement des opérations.
(2) Le défaut comptable ou l’avance comptable est, par définition, égal au
montant des fonds, valeurs, créances ou dettes dont la personne publique
concernée par le compte aurait disposé, en plus ou en moins si les lois et
règlements budgétaires et comptables avaient été exactement et intégralement
respectés.
ARTICLE 34. – (1) L’arrêté de compte comporte de droit pour le Trésor Public,
privilèges sur les biens meubles et hypothèque sur les biens immeubles des comptables, à
concurrence du défaut dont chaque comptable est présumé responsable en application des
articles 43 à 49 ci-dessous.
(2) Avant de se prononcer à titre définitif, la Chambre des Comptes peut
rendre sur un même compte plusieurs arrêtés provisoires successifs.
ARTICLE 35. – (1) La Chambre des Comptes rend des arrêts si les comptables sont
déchargés ou quittes, en avance ou en débêt.
(2) Lorsque les comptables sont déchargés ou quittes, la Chambre prononce
leur décharge définitive.
(3) La Chambre autorise le remboursement du cautionnement des
comptables dont les fonctions ont pris fin et donne main levée et radiations des oppositions
et inscriptions hypothécaires mises sur leurs biens à raison de leurs actes.
(4) Lorsque les comptes sont en avance, la Chambre des Comptes surseoit
à la décharge des comptables dans l’attente d’une régularisation prévue au cours de
l’exercice suivant. Dans ce cas, elle porte ses réserves sur le compte.
(5) Lorsque les comptes sont en débêt, la Chambre des Comptes consulte
le comptable débiteur. Le Ministre chargé des finances procède au recouvrement des
sommes dues. Les sommes recouvrées sont reversées, le cas échéant, à la personne morale
concernée.
ARTICLE 36. – (1) L’arrêt est notifié :
- aux comptables responsables du compte ;
- au Ministre chargé des finances ;
-au ministre dont ils relèvent ;
- aux ministres de tutelle et ordonnateurs des collectivités territoriales décentralisées
ou des entreprises publiques ou parapubliques intéressées.
(2) La notification de l’arrêt donne lieu à délivrance d’un accusé de
réception.
ARTICLE 37. – Si l’instruction ou l’examen des comptes fait apparaître des faits
susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale, le Procureur Général près la Cour
Suprême informe le Ministre chargé des finances et les Ministres ou autorités de tutelle
intéressés. Le dossier est transmis au Ministre de la justice par le Procureur Général près
la Cour Suprême. Cette transmission vaut plainte au nom de l’Etat, de la collectivité
territoriale décentralisée, de l’entreprise publique ou parapublique ou de l’établissement
public concerné.
ARTICLE 38. – (1) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, les comptes des
organes constitutionnels sont soumis à l’examen d’une commission composée d’un
représentant de chaque organe et présidée par le Président de la Chambre des Comptes.
(2) La commission prévue à l’alinéa 1er ci-dessus examine les comptes ou
tout document en tenant lieu et, si nécessaire, entend le comptable de l’organe
constitutionnel concerné. Elle adresse un rapport confidentiel de ses observations et
recommandations au Président de la République et aux dirigeants des autres Organes
Constitutionnels.
CHAPITRE II
DES COMPTABILITES DE FAIT
ARTICLE 39. – (1) Les comptabilités de fait sont découvertes, soit par
l’administration, soit par un audit interne ou externe soit par une mission d’audit de
l’Institution Supérieure de contrôle des Finances Publiques.
(2) Dans tous les cas, elles ressortissent à la Chambre des Comptes.
(3) Lorsque des cas de comptabilité de fait sont découverts par
l’Administration ou par un audit interne ou externe, ils sont communiqués à l’Institution
Supérieure de Contrôle par les soins des structures qui les ont identifiés.
(4) saisie des cas de comptabilité de fait et des pièces justificatives,
l’Institutions Supérieure de Contrôle procède sans délai aux vérifications nécessaires, et le
cas échéant, à la déclaration de la comptabilité de fait. La déclaration de l’Institution
Supérieure de Contrôle ne lie pas la Chambre. Celle-ci peut l’infirmier ou la confirmer.
L’institution Supérieure de Contrôle adresse copie du dossier au Président de la
Chambre pour compétence. La copie est accompagnée de tous les redressements demandés
par l’auteur de la découverte de la comptabilité de fait.
ARTICLE 40. – (1) La Chambre des Comptes statue sur les conclusions du ministère
public sur l’acte introductif d’instance. Elle doit, si son examen n’aboutit pas à une
déclaration de comptabilité de fait, rendre un arrêt de non-lieu.
Dans tous les cas, le Président de la Chambre des Comptes peut prescrire
une enquête juridictionnelle préalable.
(2) Si l’instruction fait apparaître des actes susceptibles de constituer des
irrégularités comptables, le magistrat rapporteur doit demander le séquestre des biens du
comptable de fait. Le séquestre est décidé par la formation de jugement. Il est administré
et liquidé dans les conditions prévues par la loi.
ARTICLE 41. – (1) La Chambre des Comptes déclare d’abord la comptabilité de fait
par arrêté provisoire. L’arrêté provisoire enjoint le comptable de fait de produire son
compte. Il lui est imparti un délai de trois mois pour répondre à l’arrêté, à compter de la
notification de celui-ci.
La Chambre des Comptes mentionne dans son arrêté provisoire qu’en
l’absence de réponse dans le délai imparti, elle passera outre et statuera définitivement au
fond.
(2) Un arrêt de la Chambre des Comptes confirme la déclaration de
comptabilité de fait et statue sur le compte si celui-ci ne comporte aucune réserve.
(3) En cas de contestation de l’arrêté provisoire par le comptable de fait, la
Chambre des Comptes examine les moyens invoqués et, lorsqu’elle maintient à titre
définitif la déclaration de comptabilité de fait, réitère l’injonction de rendre compte dans
un délai de trois mois.
(4) Si la Chambre des Comptes ne maintient pas la déclaration de
comptabilité de fait, elle rend un arrêt de non-lieu.
ARTICLE 42. – Si , après la déclaration définitive de comptabilité de fait, le comptable
de fait ne produit pas son compte, la Chambre des Comptes peut le condamner à l’amende
prévue par la présente loi au titre du retard dans la production dans la production du
compte. Le retard court à compter de la date d’expiration du délai imparti pour produire le
compte.
En cas de besoin, la Chambre des Comptes peut commettre d’office un
nouveau comptable pour produire le compte en lieu et place et aux frais du comptable de
fait défaillant.
ARTICLE 43. – Si plusieurs personnes ont participé en même temps à une comptabilité
de fait, elles sont déclarées conjointement et solidairement comptables de fait et ne
produisent qu’un seul compte. En fonction des opérations auxquelles chacune d’elles a
pris part, la solidarité peut porter sur tout ou partie des opérations de comptabilité de fait.
ARTICLE 44. – (1) Les écritures relatives à la comptabilité de fait, transmises à la
Chambre des Comptes, assorties de pièces justificatives, sont jugées suivant les règles
applicables aux comptes des comptables publics patents.
(2) Hormis le cas de mauvaise foi et de manque de sincérité du comptable
de fait, la Chambre des Comptes peut, pour des considérations d’équité, suppléer à
l’insuffisance des pièces justificatives produites.
CHAPITRE III
DU POUVOI E EN CASSATION
ARTICLE 45. – L’instruction des pourvois se fait suivant les dispositions prévues aux
articles 27 à 37 de la présente loi.
ARTICLE 46. – le pourvoi, sauf dispositions spéciales contraires doit, à peine de
forclusion, être formé dans un délai de 15 jours à compter du lendemain de la notification
du jugement de la juridiction inférieure des comptes.
ARTICLE 47. – Les cas d’ouverture à pourvoi et les formes de pourvoi sont ceux
observés devant la procédure suivie à la Cour Suprême.
TITRE V
DE LA SANCTION DES RESPONSABILITES DES COMPTABLES
PUBLICS
CHAPITRE I
DE LA RESPONSABILITE PECUNIAIRE DES COMPTABLES PUBLICS
ARTICLE 48. – (1) Le comptable public est présumé responsable personnellement et
pécuniairement :
- des défauts comptables constatés dans ses comptes ;
- de l’exercice des contrôles prévus par les lois et règlements ;
- du recouvrement des recettes et du paiement des dépenses régulièrement
justifiées ;
- de la conservation des fons et valeurs ;
- du maniement des fonds et mouvements de disponibilités ;
- de la tenue de la comptabilité de son poste.
(2) Le comptable n’est pas responsable ou peut être déchargé de sa
responsabilité, en dépit d’une avance ou d’un défaut comptable :
- s’il a obéi à une réquisition régulière de l’ordonnateur ;
- si l’exercice des contrôles prévus par les lois et règlements ne pouvait permettre de
découvrir l’irrégularité,
- s’il apporte la preuve qu’il a fait toute diligence pour assurer le recouvrement des
recettes, procurer des gages au Trésor ou éviter que la responsabilité civile de la personne
publique ne soit engagée de son fait vis-à-vis des tiers ;
- si une resette a été régulièrement admise en non-valeur ;
- si une force majeure l’a empêché d’exercer un contrôle ou d’accomplir un acte
auquel il était tenu.
ARTICLE 49. – La responsabilité du comptable ne peut être mise en jeu du fait de la
gestion de ses prédécesseurs que pour des opérations qu’il a prises en charge sans réserve
lors de la passation de service ou qu’il n’aurait pas constatées dans un délai de six mois
éventuellement prolongé par décision du Ministère chargé des finances.
ARTICLE 50. – (1) Sauf dans les cas où la décharge aurait été admise au titre de la
présente loi, la responsabilité pécuniaire du comptable s’étend effectivement à toutes les
opérations du poste qu’il dirige, depuis la date de son installation jusqu’à la date de sa
cessation de fonction, que les opérations retracées dans le compte aient été exécutées par
lui-même, ses mandataires ou ses subordonnés.
(2) Dans la mesure où sa responsabilité pécuniaire a été régulièrement
engagée à la suite d’une faute commise par ses mandataires ou ses subordonnés, le
comptable peut intenter contre eux une action civile récursoire sans préjudice des
poursuites pénales et disciplinaires susceptibles d’être engagées contre eux.
ARTICLE 51. – (1) A titre subsidiaire, la responsabilité pécuniaire d’un comptable
s’étend aux opérations :
- des comptables secondaires et des régisseurs qui lui sont rattachés dans la limite
des contrôles auxquels il est tenu à leur égard ;
- des comptables de fait dont il a connu et toléré les agissements.
(2) Toutefois, l’autorité qui décide de sa responsabilité peut faire
application de l’un des motifs énumérés par la présente loi, et reporter par le même acte
tout ou partie de la responsabilité pécuniaire du comptable sur lesdits comptables
secondaires, régisseurs ou comptable de fait.
ARTICLE 52. – (1) Aucune sanction administrative ne peut être prononcée contre un
comptable s’il a établi que les règlements ou instructions qu’il a refusé de suivre étaient de
nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire.
(2) Les comptables ne peuvent donner suite aux ordres ou réquisitions des
ordonnateurs que dans les conditions prévues par les lois et règlements en vigueur.
ARTICLE 53. – (1) Les défauts comptables qui ne sont pas mis à la charge pécuniaire
des comptables sont couverts par le budget de l’Etat ou par celui de la personne qui a créé
ou contribué à créer le défaut comptable ou les poursuites.
(2) L’Etat dispose en outre d’une action récursoire à l’encontre des
mandataires et des agents subordonnés des comptables dans la mesure où ceux-ci ont été
déchargés de leur responsabilité.
CHAPITRE II
DES SANCTIONS
ARTICLE 54. – Tout comptable qui ne présente pas son compte dans les formes et
délai prescrits par les règlements encourt un condamnation par la Chambre des Comptes à
une amende d’un montant maximal égal à la moitié de l’indemnité mensuelle de
responsabilité du comptable au moment des faits, et par mois de retard.
ARTICLE 55. – Tout comptable qui ne répond pas aux injonctions prononcées sur son
compte dans le délai prescrit encourt une condamnation par la Chambre des Comptes à
une amende d’un montant maximal égal au montant de l’indemnité mensuelle de
responsabilité au moment des faits par injonction et par mois de retard, s’il ne fournit
aucune explication recevable au sujet du retard.
ARTICLE 56. – Le compte commis d’office substitué au comptable défaillant ou à ses
ayants droit pour présenter un compte ou satisfaire aux injonctions, le comptable en
exercice chargé de présenter le compte des opérations effectuées par des comptables en fin
de fonction ou de répondre à des injonctions portant sur la gestion de ses prédécesseurs,
sont passibles des amendes prévues aux articles 54 et 55 ci-dessus, à raison des retards qui
leur sont personnellement imputables.
ARTICLE 57. – Dans les cas prévus aux articles 54,55 et56 ci-dessus, la Chambre des
Comptes statue d’abord à titre provisoire et impartit au comptable un délai de deux mois
pour faire valoir ses moyens. Elle mentionne dans l’arrêt provisoire qu’en l’absence de
réponse dans le délai imparti, elle statuera de droit, à titre définitif. Après examen des
moyens produits, elle statue à titre définitif.
ARTICLE 58. – Sans préjudice des poursuites pénales, le comptable de fait peut être
condamné par la Chambre des Comptes à une amende calculée en fonction de sa
responsabilité personnelle ou suivant l’importance et la durée de la détention ou du
maniement des fonds et valeurs, sans toutefois pouvoir excéder le total des sommes
indûment détenues ou maniées.
ARTICLE 59. – En ce qui concerne l’amende prévue à l’article 53 ci-dessus, la
Chambre des Comptes, dans son arrêt de déclaration de la pénalité. Elle se réserve
d’apprécier le mérite des justifications et explications que le comptable de fait aurait à
présenter au sujet de la pénalité qu’il encourt. Elle statue sur ce point, à titre définitif, au
terme de l’apurement de la comptabilité de fait.
ARTICLE 60. – Les amendes infligées en vertu des dispositions ci-dessus sont
recouvrées par les soins du Trésor Public et reversées dans les caisses de la personne
morale publique concernée. Les amendes infligées aux comptables des services dotés de
l’autonomie financière sont versées en recettes à leur budget.
ARTICLE 61. – Les amendes sont assimilées aux débets des comptables publics quant
aux modes de recouvrement, de poursuites et de remise.
ARTICLE 62. – Les décisions de la Chambre des Comptes sont prises après les
conclusions écrites du ministère public.
TITRE VI
DE L’EXECUTION DES DECISIONS DE LA
CHAMBRE DES COMPTES
CHAPITRE I
DE LA NOTIFICATION DES ARRETS
ARTICLE 63. – (1) Le Greffier en Chef de la Chambre des Comptes notifie
directement aux comptables publics patents ou aux comptables de fait les arrêts rendus à
leur égard.
(2) Le procureur Général près la Cour Suprême notifie lesdits arrêts :
- au Ministre chargé des finances en ce qui concerne le comptable supérieur
du Trésor ;
- au comptable supérieur du Trésor, en ce qui concerne les autres comptables ;
- à l’ordonnateur principal, secondaire ou délégué qui a ordonné les
opérations du comptable.
ARTICLE 64. – (1) Les comptables patents ou les comptables de fait transmettent
directement à la Chambre des Comptes leurs réponses aux arrêts provisoires.
(2) Ils les notifient aux autorités visées à l’article 58 ci-dessus.
ARTICLE 65. – (1) Tout comptable en fin de fonction est tenu, jusqu’à sa décharge
définitive, de notifier directement son nouveau domicile et tout changement ultérieur de
domicile au Greffier en Chef de la Chambre des Comptes.
(2) L’obligation de notification vaut également pour :
- son successeur, s’il s’agit d’un comptable supérieur du Trésor ;
- le comptable supérieur compétent dans les autres cas.
(3) Les mêmes obligations incombent aux ayants droit du comptable.
ARTICLE 66. – (1) Si, à la suite du refus du comptable public, patent ou de fait, de
celui de son remplaçant ou commis d’office, ou pour toute autre cause, une notification ne
peut atteindre son destinataire, le Procureur Général près la Cour Suprême ou le Président
de la Chambre des Comptes transmet l’arrêt à la mairie ou à la sous-préfecture du dernier
domicile connu ou déclaré.
Dans ce cas, le maire ou le sous-préfet fait notifier l’arrêt contre décharge.
(2) En cas de notification à personne, il est dressé un procès-verbal.
Le procès-verbal et la décharge sont adressés à la Chambre des Comptes.
ARTICLE 67. – (1) Si l’agent administratif ne trouve pas le destinataire, il dépose la
notification à la mairie ou à la sous-préfecture et dresse de ces faits un procès-verbal qu’il
joint à la notification.
(2) Un avis officiel est alors affiché pendant un mois au lieu de dépôt. Cet
avis informe le destinataire qu’une notification de la Chambre des Comptes le concernant
déposée à la mairie ou à la sous-préfecture lui sera remise contre récépissé, et que, faute de
ce faire avant l’expiration du délai d’un mois, la notification sera considérée comme ayant
été faite à personne avec toutes les conséquences de droit qu’elle comporte.
(3) Le récépissé et les procès-verbaux prévus par le présent article et le cas
échéant, le certificat des autorités constatant l’affichage pendant un mois, doivent être
transmis sans délai au Président de la Chambre des Comptes.
ARTICLE 68. – Si le comptable de fait appartient aux organes exécutifs ou délibérants
d’une collectivité territoriale décentralisée, l’autorité de tutelle procède, à la demande du
Président de la Chambre des Comptes, à la notification de l’arrêt.
ARTICLE 69. – Toute les notifications et transmissions sont effectuées avec demande
d’accusé de réception ou contre décharge.
ARTICLE 70. – (1) Les arrêts de la Chambre des Comptes sont exécutoires.
(2) Le Ministre chargé des finances, en ce qui concerne l’Etat, l’ordonnateur
du budget de la personne morale de droit public pour les budgets décentralisés, sont
chargés de leur exécution.
(3) dans le cas où les arrêts ne sont pas exécutés dans les six (6) mois à
compter de la date de leur notification, le Président de la Chambre des Comptes en fait
rapport au Président de la République avec copie au Président de l’Assemblée Nationale et
au Président du Sénat. Il en est fait publication au Journal Officiel en français et en
anglais.
CHAPITRE II
DES VOIES DE RECOURS
ARTICLE 71. – Deux voies de recours sont ouvertes contre les arrêts de la Chambre
des Comptes : l’annulation et la révision.
A) De l’annulation
ARTICLE 72. – (1) Le procureur Général près la cour Suprême, d’ordre du Ministre de
la justice, saisi par le Ministre chargé des Finances ou le Comptable intéressé ou encore les
héritiers de celui-ci, peut se pourvoir en annulation devant l’Assemblée Plénière de la
Cour Suprême contre les arrêts définitifs de la Chambre des Comptes.
(2) La requête est introduite au greffe de la Cour suprême.
(3) En cas d’annulation, l’Assemblée Plénière de la cour suprême évoque et
statue à nouveau.
(4) Le pourvoi en annulation a un caractère suspensif.
B) De la révision
ARTICLE 73. – (1) Nonobstant l’arrêt de jugement définitif d’un compte, la Chambre
des Comptes peut, suite à erreur, omission, faux ou double emploi découverts
postérieurement au prononcé de l’arrêt, procéder à sa révision, à la demande soit du
comptable, soit du Ministre chargé des finances ou des représentants légaux des personnes
morales publiques concernées, soit du Procureur Général près la Cour Suprême, soit
d’office.
(2) La demande de révision motivée est adressée au Président de la
Chambre des Comptes. Elle comporte :
- l’exposé des faits et moyens invoqués par le requérant,
- la copie de l’arrêt dont la révision est demandée,
- les justifications servant de base à la requête, ainsi que des pièces établissant la
notification de cette requête aux autres parties intéressées.
ARTICLE 74. – (1) Si la révision est jugée recevable, la Chambre des Comptes,
statuant toutes sections réunies à titre définitif, admet ou rejette la demande en révision,
selon qu’elle estime, après instruction, que les pièces produites permettent ou non d’ouvrir
une instance en révision.
(2) Lorsque la demande est jugée recevable, la Chambre des Comptes
prend le même arrêt, une décision préparatoire de mise en état de révision du compte et
impartit au comptable un délai de deux mois pour produire les justifications
supplémentaires éventuellement nécessaires à la révision lorsque celle-ci est demandée
par lui, ou faire valoir ses moyens lorsque la révision est engagée contre lui.
Après examen des réponses ou après l’expiration du délai imparti, la
Chambre des Comptes statue au fond.
(3) Lorsqu’elle décide de la révision à titre définitif, elle annule l’arrêt
incriminé, ordonne au besoin des garanties à prendre et procède au jugement des
opérations contestées dans la forme d’une instance ordinaire.
ARTICLE 75. – Lorsque la Chambre des Comptes agissant d’office estime, après
instruction, que les faits dont la preuve est apportée permettent d’ouvrir une instance en
révision, elle rend un arrêt préparatoire de mise en état de révision des comptes et procède
conformément aux règles prévues à l’article précédent.
ARTICLE 76. – (1) L’exercice d’un recours en révision doit être introduit dans un délai
de six (6) mois à compter de la notification de l’arrêt au comptable.
(2) Le recours en révision n’a pas d’effet suspensif.
CHAPITRE III
DE L’AMNISTIE
ARTICLE 77. – Les amendes pour retard ne sont pas amnistiables et ne sont pas
portées au casier judiciaire du comptable condamné. Elles peuvent faire l’objet de sursis à
paiement dans les conditions fixées par voie réglementaire.
TITRE VII
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES
ARTICLE 78. – (1) La présente loi s’applique aux comptes des exercices qui suivront
l’année de sa promulgation.
(2) Les comptes qui n’entrent pas dans le champ d’application de la
présente loi seront contrôlés et apurés dans des conditions fixées par voie réglementaire.
ARTICLE 79. – (1) Les comptes pendants devant les organismes chargés de l’apurement
des comptes publics avant la promulgation de la présente loi continueront d’être examinés
par ceux-ci en attendant la mise en place effective de la Chambre des Comptes.
(2) Dès la mise en place de la Chambre des Comptes, les institutions
antérieurement chargées du contrôle et de l’apurement des comptes ainsi que de la
sanction des comptables lui transmettent les dossiers des affaires pendantes devant elles.
(3) La Chambre des Comptes exerce les attributions des juridictions
inférieures des comptes en attendant leur mise en place.
ARTICLE 80.- L’installation des Magistrats de la Chambre des Comptes se fait en
audience solennelle de la Cour suprême.
ARTICLE 81. – La présente loi sera enregistrée et publiée suivant la procédure
d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.
YAOUNDE, LE 21 AVRIL 2003
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
PAUL BIYA.